D ANS son désir de faire table rase du passé clintonien et d'annoncer au monde une nouvelle approche des problèmes diplomatiques, George W. Bush a été aidé par plusieurs facteurs sur lesquels il n'avait pas d'influence.
Le tout premier de ces facteurs est que le couple Clinton n'a pas su quitter le pouvoir dans la dignité. L'ex-président a gracié à la dernière minute une bonne centaine de personnes condamnées ou poursuivies par la justice, dont Marc Rich, un milliardaire belgo-américain qui vit actuellement en Suisse et doit une quarantaine de millions de dollars au fisc américain. La grâce de Rich a soulevé un tollé aux Etats-Unis, de même que les cadeaux que M. et Mme Clinton ont discrètement sollicités et obtenus de leurs amis politiques avant leur départ.
Changement confirmé
Tous les républicains, mais aussi bon nombre de démocrates, s'indignent de ce comportement peu éthique et même passible d'une condamnation, car un cadeau offert à un président en exercice appartient à la collectivité nationale : M. Clinton aurait beau jeu de dire qu'il n'est plus président, mais il a préféré rendre la plupart des cadeaux.
M. Bush est donc renforcé dans sa volonté de changement ; il peut démontrer en outre qu'il n'exagérait pas, pendant sa campagne électorale, quand il affirmait qu'il fallait remettre de l'ordre à Washington et que son administration serait un modèle de bonne conduite. Le voilà désormais soutenu par la classe politique, lui qui est arrivé au pouvoir avec un minimum de légitimité.
Pour démentir ses censeurs traditionnels, qui l'accusaient d'être ignorant, il s'efforce d'aller vite et de faire la démonstration quotidienne de ses capacités à gouverner. Il a obtenu sans mal la confirmation par le Congrès des membres du cabinet qu'il a choisis, y compris les plus conservateurs. Imitant son prédécesseur, il a pris une série de « mesures de l'exécutif », qui n'exigent pas une ratification par le Congrès, notamment l'arrêt du financement fédéral des ONG qui pratiquent le planning familial.
Il a confirmé qu'il s'efforcerait de mettre sur pied un bouclier antimissiles, au grand dam des Russes et des Européens, mais en proposant de protéger l'Europe également. Ce ne sera pas une tâche facile ou bon marché : les essais de missiles antimissiles ont tous échoué jusqu'à présent.
Des atomes crochus avec Sharon ?
Le voilà en outre plongé dans la crise du Proche-Orient, à propos de laquelle il a envoyé des signaux contradictoires. Il a téléphoné personnellement à Ariel Sharon et à Yasser Arafat, en demandant notamment au second de diminuer la violence. Alors que, de son côté, la conseillère à la Sécurité nationale, Condoleezza Rice, affirmait que les Etats-Unis ne s'impliqueraient pas dans le conflit israélo-palestinien uniquement pour y être impliqués.
Ce qui n'a pas empêché le nouveau secrétaire d'Etat, le général Colin Powell, héros de la guerre du Golfe, d'annoncer un voyage en Israël et dans les pays arabes à la fin du mois. M. Bush se rend compte qu'il est très difficile, pour les Etats-Unis, de rester en dehors d'une crise qui concerne aussi les Etats exportateurs de pétrole et qu'il ne peut pas se laver les mains du conflit.
Mais ce qui compte pour lui, dans cette affaire, c'est avant tout de définir une politique qui n'a plus rien à voir avec celle de son prédécesseur. De sorte que, paradoxalement, il ne peut pas récuser Ariel Sharon, élu au suffrage universel comme M. Bush lui-même, et de droite comme lui. Quand M. Sharon a donné son premier coup de fil à M. Arafat, il a lui aussi demandé l'arrêt des violences. Le président américain et le Premier ministre israélien sont sur la même longueur d'ondes.
Ils le sont encore plus sur le sort qu'ils réservent tous deux aux propositions de M. Clinton. Le président Bush les considère comme nulles et non avenues et il n'a pas du tout l'intention de reprendre les discussions là où les négociateurs les ont laissées à Taba.
Du coup, les Palestiniens se retrouvent isolés : ils exigent en effet de faire redémarrer la négociation sur les bases de Taba. M. Sharon leur répond non et M. Bush ne dit pas le contraire de M. Sharon.
Cela ne veut pas dire que M. Bush soutient sans équivoque la position de M. Sharon, lequel n'a pas encore formé de gouvernement et aura un programme différent selon qu'il s'associe aux travaillistes ou à l'extrême-droite.
Mais cela veut dire que, pour le moment, les Palestiniens ne seront pas satisfaits sur ce point. Et que M. Bush entend inventer sa propre approche diplomatique, probablement en associant plus étroitement les pays arabes modérés, comme l'Egypte et la Jordanie, qui prendraient, en quelque sorte, le relais des Etats-Unis.
Contenir le conflit
En effet, ce qui est important, pour la nouvelle administration, ce n'est pas que les Israéliens et les Palestiniens signent le plus vite possible un accord de paix dont chacun sait qu'il est, objectivement, hors de portée. C'est que la crise israélo-palestinienne ne se transforme pas en conflit régional qui obligerait les Américains à protéger leurs approvisionnements pétroliers. En d'autres termes, il suffit de limiter la querelle entre Israéliens et Palestiniens, surtout au moment où tout les éloigne, pourvu que cette querelle ne menace pas la stabilité de la région.
Cette attitude est de nature à convenir à M. Sharon, qui a condamné les accords d'Oslo. Au moins sur ce point, il y a convergence de vues entre Washington et Jérusalem. Elle ne saurait convenir en revanche aux Palestiniens qui justifient leurs actes de violence par l'impatience à laquelle les a conduits la non-application des accords d'Oslo.
Mais ce qu'ils perdent à court terme, ils pourraient le regagner à plus long terme. M. Bush, en effet, n'est pas lié à ceux qui, dans l'électorat américain, n'ont pas voté pour lui, et parmi eux, une majorité de Juifs américains, lesquels, par tradition, votent démocrate. Face à une administration américaine, Israël peut pousser ses pions jusqu'au point où ils menacent les intérêts américains. Ils en ont fait l'expérience avec l'administration Nixon, et avec le secrétaire d'Etat de l'époque, Henry Kissinger, qui n'était pas hostile à un rééquilibrage du rapport de forces militaire au Proche-Orient et s'est servi de la guerre du Kippour (1973) pour obtenir, cinq ans plus tard, l'évacuation du Sinaï. Et ils ont fait une autre expérience du même genre lors de la guerre du Golfe : le père de M. Bush, alors président des Etats-Unis, leur a interdit de riposter aux bombardements de l'Irak. C'était la première fois, dans l'histoire d'Israël, que ce pays n'a pas procédé à des représailles après l'attaque d'un pays arabe. Quarante-neuf missiles SCUD se sont abattus sur Israël, faisant des victimes et d'énormes dégâts immobiliers. George Bush père, soucieux de maintenir la cohésion de l'armada à laquelle participaient des Etats arabes, a interdit au gouvernement de Yitzhak Shamir de lancer sa flotte aérienne contre l'Irak. Le gouvernement d'Israël était alors à droite. C'est dire que M. Bush fils pourrait un jour tenir la dragée haute à M. Sharon.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature