D ANS la boîte à outils mise en place par le gouvernement Jospin pour maîtriser les dépenses de santé, les « accords de bon usage des soins » avaient été quelque peu négligés. C'est pourtant la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000, élaborée par Martine Aubry, qui suggérait que de tels accords, négociés au niveau régional, pourraient permettre une amélioration de la qualité des soins tout en optimisant les dépenses de santé.
La Caisse nationale d'assurance-maladie, déjà fort occupée à négocier avec les professionnels de santé le respect de leurs objectifs de dépenses, n'avait pas pu ou pas voulu se charger de les mettre en uvre. Devant la forte progression des dépenses d'assurance-maladie en 2000, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité ne s'était d'ailleurs pas privé de le lui faire remarquer à plusieurs reprises.
Surtout les médicaments
Aujourd'hui, alors que l'application de la maîtrise comptable des dépenses semble être un échec et conduit le système conventionnel avec les professionnels de santé dans une impasse, la CNAM s'est souvenue de ce dispositif dont l'acronyme ABUS - transformé en AcBUS - peut prêter à sourire. Elle vient de préciser dans un document les modalités de ces accords qui visent pour l'essentiel à obtenir une amélioration collective des pratiques médicales.
Ces accords, négociés au niveau régional avec les syndicats représentatifs des médecins, devront fixer, sur un thème choisi, un objectif médicalisé d'évolution des pratiques, prévoir des actions d'information ou de formation permettant de les atteindre et évaluer ensuite leur impact. Cela ressemble, à peu de choses près, à la démarche déjà entreprise par la CNAM au niveau national dans ses programmes de santé publique consacrés à la prise en charge du diabète non insulinodépendant ou de l'hypertension artérielle. Avec une différence notable, cependant : il s'agit, dans ce cas, d'obtenir des économies induites plus directement que dans les programmes de santé publique, dont l'effet immédiat est une augmentation des dépenses. C'est pourquoi ces accord peuvent prévoir - mais ce n'est pas obligatoire - des objectifs quantifiés pour certains postes de dépenses avec en échange, si les objectifs sont atteints, un reversement aux médecins d'une partie de la dépense ainsi évitée. La CNAM juge d'ailleurs souhaitable de trouver des thèmes d'accord « qui associent une amélioration de la qualité et une moindre dépense ».
A l'appui de cette demande, elle fournit quelques exemples qui portent pour l'essentiel sur la prescription de médicaments, dont on sait qu'elle représente le poste de dépenses qui connaît actuellement la plus forte augmentation. Ainsi, la diminution du nombre de lignes de prescription sur une ordonnance, de prescriptions de médicaments à service médical rendu insuffisant, de redondances et d'interactions médicamenteuses ou encore l'augmentation du taux de prescription des médicaments génériques, l'amélioration de la qualité des prescriptions, notamment de chimiothérapie ou de nouveaux médicaments, pourraient faire l'objet, selon elle, de ce type d'accord.
Intéressement des médecins
Les thèmes qui pourraient faire l'objet d'accord de bon usage des soins devront être sélectionnés en fonction de plusieurs critères : ils devront avant tout concerner la pratique habituelle de la majorité des médecins, les anomalies constatées devront être nombreuses et il devra y avoir, sur ces thèmes, des recommandations de bonnes pratiques faites par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) ou par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). La CNAM souhaite, en outre, que ces thèmes recoupent les priorités définies par les conférences régionales ou nationale de santé et puissent être menés en partenariat avec les unions régionales de médecins libéraux et les DRASS.
Sont également précisées dans ce texte les modalités d'application de l'intéressement individuel des médecins à la réalisation des objectifs de dépenses (c'est-à-dire des économies), quand il y en a. Cet intéressement devra être forfaitaire, versé sous réserve d'un seuil minimum d'activité, et il privilégiera plutôt les aides matérielles à l'exercice (aide à l'informatisation, acquisition de logiciels d'aide à la décision), indique le document. Il ne sera versé qu'aux médecins qui se seront engagés a priori à respecter les objectifs médicaux définis dans les accords et qui auront effectivement modifiés leur comportement. En outre, si les dépenses sont plus importantes que prévu dans un département de la région, aucun des médecins de ce département ne pourra bénéficier de reversement et, à l'inverse, si l'objectif est atteint dans un département, seuls les médecins ayant atteint l'objectif médical en bénéficieront.
La CNAM prévoit que la durée de ces accords devront être en moyenne de deux à trois ans, mais s'interroge sur le financement de ce dispositif qui n'a pas été prévu par la loi et pour lequel elle souhaiterait pouvoir recourir au Fonds d'aide à la qualité des soins de ville (FAQSV).
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