L A révision des lois de bioéthique de 1994 ne passe pas inaperçue. Quoi que l'on pense du débat qui oppose désormais le président de la République et le Premier ministre sur le clonage thérapeutique, on ne peut y trouver qu'un signe encourageant de transparence et d'esprit démocratique.
Le président Jacques Chirac, qui inaugurait à Lyon les travaux du forum Biovision, rencontres mondiales des sciences de la vie, est intervenu dans le débat en s'opposant fermement à la suggestion gouvernementale d'autoriser, dans les faits, le clonage thérapeutique.
Dans l'avant-projet de loi qu'il a présenté lors des Journées annuelles du Comité national consultatif d'éthique (« le Quotidien » du 30 novembre 2000), Lionel Jospin avait, en effet, ouvert la voie à la constitution de lignées de cellules souches d'origine embryonnaire par transfert de noyaux de cellules somatiques. Il avait toutefois pris garde de ne pas employer le mot clonage : « Clarifions le débat, avait-il dit, et réservons le terme de clonage au clonage reproductif. Celui-ci est strictement interdit. Il le demeurera. »
Le risque du clonage reproductif
Mais, apparemment, cette précaution oratoire n'a pas suffi au président Jacques Chirac, pour qui la technique du clonage thérapeutique « conduit à créer des embryons à des fins de recherche et de production de cellules, et, malgré l'interdit, rend matériellement possible le clonage reproductif et risque de conduire à des trafics d'ovocytes ».
Il s'inscrit ainsi dans la même ligne de réflexion que la Commission nationale consultative des droits de l'homme, laquelle, consultée par Lionel Jospin, a rendu un avis majoritairement opposé à l'autorisation du clonage thérapeutique (« le Quotidien » du 5 février).
Le Premier ministre peut, quant à lui, se prévaloir de l'avis du Comité d'éthique et du rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la révision des lois de bioéthique qui est, selon son président Bernard Charles, en osmose avec le texte gouvernemental. « Le débat sur le clonage thérapeutique est ouvert, a réagi le rapporteur de cette mission, Alain Claeys. D'importantes contributions y sont désormais apportées, en France et en Europe. Elles seront très utiles pour éclairer la décision que le Parlement aura à prendre. »
Jacques Chirac s'est, en revanche, montré favorable à la recherche sur les embryons dits surnuméraires, à la condition de respecter trois règles : « Que les couples à l'origine de ces embryons aient renoncé à tout projet parentalen prenant explicitement la décision de les remettre à la recherche ; qu'en aucun cas ces embryons puissent ensuite être réimplantés ; que ces recherches ne soient autorisées que pendant une période limitée, au terme de laquelle le législateur devrait se prononcer à nouveau. » Le chef de l'Etat a souhaité que soient développées parallèlement les recherches sur les cellules souches adultes, « qui permettent d'espérer qu'il sera demain possible d'éviter le recours à des cellules embryonnaires ».
Avant de présenter son projet de loi au conseil des ministres, en mars prochain, Lionel Jospin poursuivra ses consultations auprès du Conseil d'Etat - la haute juridiction avait, en 1999, été la première à souligner la nécessité thérapeutique d'autoriser les recherches sur l'embryon in vitro. Le texte gouvernemental devrait être discuté au Parlement au deuxième trimestre 2001. Le Premier ministre prévoit même de consulter le Conseil constitutionnel au terme du processus législatif. C'est sans doute plus en fonction de considérations éthiques et politiques qu'en raison des nouvelles avancées scientifiques que le clonage thérapeutique sera finalement autorisé.
Génome : la France demande le réexamen d'une directive européenne
Le président Jacques Chirac a annoncé que la France avait saisi la Commission européenne d'une demande de réexamen, sur la question de la brevetabilité du génome humain, de la directive de 1998 (98/44) sur la protection juridique des inventions biotechnologiques. « Il nous reste à tirer toutes les conclusions de la consécration du génome humain comme patrimoine commun de l'humanité, a-t-il expliqué . Certes, il ne convient pas de porter atteinte à la propriété intellectuelle et industrielle qui reste un moteur très efficace du progrès, a prévenu le chef de l'Etat. Mais trop de brevets tuent le brevet. Et les conditions d'octroi des brevets ne doivent pas avoir pour conséquence de limiter la liberté d'utiliser un gène ou une séquence de gène au seul motif qu'ils auraient été employés dans l'élaboration d'un produit ayant déjà fait l'objet d'un brevet pour une tout autre application que celle envisagée. » En juin dernier, quatre jours après l'annonce du décryptage de la quasi-totalité du génome humain, Jacques Chirac avait saisi le président de la Commission européenne, Romano Prodi, de la nécessité de prévenir « toute possibilité de breveter la découverte d'un gène », sauf dans son « application thérapeutique ou diagnostique ».
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