CONGRES HEBDO
LE QUOTIDIEN - Les progrès en néonatalogie permettent la survie de grands prématurés. Mais à quel prix sur le plan pulmonaire ?
Pr Christophe DELACOURT -La survie des grands prématurés expose au risque de dysplasie broncho-pulmonaire, avec un risque plus élevé (au moins 70 %) pour les très grands prématurés, c'est-à-dire ceux qui sont nés avec un terme inférieur à 28 semaines d'aménorrhée. En revanche, les prématurés nés au-delà de 32 semaines d'aménorrhée - ce qui représente encore une prématurité importante - n'ont actuellement plus de risque de dysplasie broncho-pulmonaire. Les progrès considérables réalisés dans la prise en charge néonatale sont tels que cette complication s'est déplacée vers les plus grands prématurés et ne concernent donc plus les prématurités « modérées ».
Pouvez-vous préciser le devenir de ces grands prématurés à risque de dysplasie ?
Ces enfants sont particulièrement fragiles durant les deux premières années de leur vie, notamment vis-à-vis des épisodes de bronchiolite ; en effet, la moitié de ceux qui ont une dysplasie broncho-pulmonaire seront réhospitalisés avant l'âge de 2 ans, avec une fréquence accrue dans la première année. Puis une amélioration progressive est observée au fur et à mesure que l'enfant grandit. La situation respiratoire de ces enfants devient beaucoup plus facile à gérer, passé le cap des deux premières années, car les phénomènes de réparation se poursuivent et il est exceptionnel qu'une insuffisance respiratoire persiste à l'âge scolaire.
Passé la période des deux premières années, quelles sont finalement les séquelles sur le plan clinique ?
La quasi-totalité d'entre eux ne gardent pas de séquelles cliniques graves au fil de leur croissance. Seules peuvent persister des manifestations à type à répétition de sifflement. Mais ils n'ont pas de gêne particulière dans leurs activités normales, même si leurs performances à l'effort maximal, testées en laboratoire, sont légèrement inférieures à celles d'enfants non prématurés. Si la majorité de ces enfants ne sont pas gênés dans leur vie quotidienne, qu'elle soit scolaire, ludique ou sociale, certaines mesures fonctionnelles de syndrome obstructif, proportionnelles au degré de sévérité de la dysplasie broncho-pulmonaire initiale, peuvent néanmoins persister. En outre, une hyperréactivité bronchique persiste dans 70 à 80 % des cas. La dysplasie est définie par la persistance d'un besoin en oxygène au-delà de 28 jours de vie (pour les définitions les moins sévères) ou au-delà de l'âge corrigé de 36 semaines d'aménorrhée (pour les définitions les plus rigoureuses) ; il n'y a pas de séquelles fonctionnelles respiratoires chez les grands prématurés qui avaient besoin d'oxygène à 28 jours de vie mais n'en avaient plus besoin à 36 semaines. En revanche, chez les grands prématurés dysplasiques qui avaient encore besoin d'oxygène à l'âge corrigé de 36 semaines d'aménorrhée, un syndrome obstructif peut persister vers l'âge de 10-11 ans, juste avant la puberté, qui se manifeste essentiellement par un VEMS légèrement inférieur à celui de cohortes - contrôles d'enfants de leur âge. Cependant, ces anomalies sont le plus souvent discrètes et n'ont pas de répercussions dans la vie courante. Enfin, il est extrêmement rare qu'une insuffisance respiratoire importante persiste tout au long de l'enfance.
Quelles sont les mesures nécessaires durant les deux premières années particulièrement difficiles ?
Un suivi clinique spécialisé s'impose afin d'adapter la conduite à tenir (explorations fonctionnelles, radiographies, scanner...) en fonction de chaque cas. En outre, une prévention maximale est nécessaire en termes d'infections respiratoires avec certaines mesures particulièrement recommandées telles que l'éviction de la crèche, les vaccinations de type antigrippal, la prévention vis-à-vis du VRS avec les anticorps monoclonaux (Synagis), des traitements usuels à base de corticothérapie inhalée en cas d'épisodes de sifflements. Passé le cap de la deuxième année, la situation devient plus rassurante et ces enfants peuvent entrer sans problème en maternelle, sous réserve de l'absence de séquelles neurologiques associées.
D'après un entretien avec le Pr Christophe Delacourt, service de pédiatrie, centre hospitalier intercommunal de Créteil
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