Le Dr Emmanuel Cauchy raconte le sauvetage hors norme de l'alpiniste Élisabeth Revol

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Publié le 29/01/2018
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Crédit photo : AFP

Ce week-end, les internautes français étaient tenus en haleine sur les réseaux sociaux par le sauvetage hors norme de l'alpiniste Élisabeth Revol, récupérée par des alpinistes polonais après 4 jours d'enfer. Le Dr Emmanuel Cauchy, urgentiste spécialisé dans la médecine de montagne et fondateur de l'IFREMMONT (Institut de formation et de recherche en médecine de haute montagne), a suivi l'affaire de plus près que n'importe qui d'autre. Et pour cause : il a assuré le télésuivi de la prise en charge de la jeune drômoise de 37 ans, depuis son premier appel de détresse, vendredi, à son transfert, dimanche après midi dans un hôpital d'Islamabad, la capitale pakistanaise.

Alors qu'elle redescendait du Nanga Parbat, un géant himalayen de 8 126 m, la patiente s'est mise à souffrir de sévères gelures aux orteils et aux mains. « Elle était déjà en perdition, avait passé 2 nuits en bivouac avec des gelures graves et allait très mal », raconte le Dr Cauchy.

Un traitement à administrer dans les 6 heures

Les médecins français de l'IFREMMONT avaient publié un protocole dans lequel ils préconisent une perfusion d'iloprost, un analogue de la prostacycline, un puissant vasodilatateur. « L'équipe polonaise qui l'a secourue ne disposait pas de ce médicament, mais, par chance, elle disposait d'un produit similaire : la prostavasine, relate le Dr Cauchy. Le protocole est similaire, il a simplement fallu adapter la posologie. » Le produit est connu pour bien prévenir les conséquences des engelures s'il est administré dans les 6 premières heures qui suivent leur apparition. « Dans ce cas précis, il a fallu attendre 12 à 24 heures que l'on puisse la secourir, s'inquiète le Dr Cauchy. De plus ce sont des engelures de haute montagne, de plus mauvais pronostic. »

L'héliportage d'Élisabeth Revol vers la basse vallée a été réalisé le plus rapidement possible. Le Dr Cauchy explique que cette évacuation est importante, afin d'augmenter la pression artérielle, l'oxygénation et la perfusion des tissus. « Il existe des alternatives comme des caissons de recompression portables, utilisables par n'importe quel secouriste », précise le Dr Cauchy. Dans 3 jours, une scintigraphie osseuse permettra de dresser un bilan final sur les conséquences des engelures sévères.

Pour s'échapper des pentes du Nanga Parbat, Élizabeth Revol a dû laisser derrière elle son équipier Tomasz Mackiewicz, atteint de graves troubles oculaires et pulmonaires. Le Dr Cauchy n'a que peu d'éléments sur les pathologies qui ont touché l'alpiniste polonais de 47 ans. « On ne saura sans doute jamais vraiment ce qui lui est arrivé », reconnait-il. Il précise toutefois au « Quotidien » que les atteintes oculaires en haute montagne peuvent avoir plusieurs origines : « Les ophtalmies des neiges sont des brûlures liées aux UV, les gelures de cornée liées au froid ou encore la rétinopathie d'altitude, c’est-à-dire des microhémorragies causées par l'altitude », détaille-t-il. Quant aux problèmes respiratoires, le Dr Cauchy rappelle que « l'œdème pulmonaire est une complication classique du mal des montagnes ».

Une plate-forme de télésuivi spécialisée dans la montagne

Le Dr Cauchy a été mobilisé par la plate-forme de conseil médical « SOS MAM » (mal aigu des montagnes) mise au point il y a plusieurs années au sein de l'IFREMMONT. Cette plate-forme rassemble 12 médecins français et suisses, joignables 24h sur 24. « De nombreux alpinistes, explorateurs et guides de haute montagne sont inscrits à ce dispositif qui forme aussi des correspondants », explique le Dr Cauchy.

Si les médecins de la plate-forme avaient déjà travaillé avec des équipes de Katmandou disposant d'une solide expérience dans le domaine des gelures, c'est la première fois qu'ils ont eu à composer avec leurs collègues d'Islamabad. « Les échanges en anglais n'ont pas toujours été simples », reconnaît le Dr Cauchy. Le rapatriement d'Élisabeth Revol vers les hôpitaux du Pays du Mont-Blanc est en cours d'organisation. Il devrait intervenir d'ici à mercredi soir.


Source : lequotidiendumedecin.fr