LE QUOTIDIEN - En mars dernier, les praticiens hospitaliers (PH) signaient leur « protocole Aubry », obtenant un certain nombre d'avancées. Dix mois plus tard, la CHG paraît toujours sur le qui-vive. Pourquoi ?
Dr PIERRE FARAGGI - Nous avons obtenu des avancées, c'est vrai : quelques primes, quelques évolutions de la grille des PH en début de carrière - et malheureusement peu d'effort, en termes de rémunération, pour les milieux et les fins de carrière. Mais une grande source d'inquiétude demeure : rien n'a véritablement été fait dans le domaine de la démographie médicale. Or, sur ce point, pour redresser la barre dans les hôpitaux publics, nous avons toujours dit qu'il fallait rendre la carrière hospitalière plus attractive. Les mesures qui ont été prises au printemps dernier ne sont pas de nature à améliorer les choses. Il faut revaloriser de manière beaucoup plus substantielle la rémunération des praticiens hospitaliers, revoir les conditions de travail des médecins à l'hôpital, augmenter les flux. Tant que la tutelle n'ira pas dans ce sens, nous ne pourrons pas penser que l'on porte remède aux problèmes de démographie médicale. Jusqu'à présent, on n'a fait qu'enterrer le problème. Il me semble que les pouvoirs publics sont aujourd'hui au pied du mur, qu'il est temps pour eux de passer à des choses concrètes.
La Coordination médicale hospitalière (CMH) a appelé à une semaine d'action pour se faire entendre sur ce dossier. Pourriez-vous faire la même chose ?
Elisabeth Guigou nous reçoit le 5 février. Nous attendons d'entendre ses positions sur ce dossier de la démographie. Si nous n'avons pas, en rencontrant notre ministre, l'impression d'être entendus, si, à cette occasion, on ne nous annonce pas de mesures concrètes, alors, éventuellement, nous mènerons des actions. Il est en tout cas certain que nous ne nous satisferons pas de la participation à cinquante groupes de travail qui est notre lot actuellement.
Pourriez-vous aller jusqu'à la grève ?
Nous avons déjà déposé un préavis de grève, qui court de façon illimitée depuis le 15 janvier, pour les gardes et les astreintes des praticiens hospitaliers à temps partiel. On a l'impression que les pouvoirs publics méconnaissent ce dossier ; or le temps partiel est un profil professionnel qui peut utilement combler des vides à l'hôpital. Il faut convaincre la tutelle de faire quelque chose pour ces médecins, elle doit revenir sur le renouvellement quinquennal des contrats des PH à temps partiel, revoir les conditions défavorables qui leur sont faites dans les domaines de la prévoyance et la retraite. A la CHG, nous disons qu'il faut un seul statut pour les PH à temps plein et à temps partiel, avec des garanties et des rémunérations prorata temporis .
Les 35 heures s'annoncent comme le grand chantier hospitalier de 2001. Quelles sont vos revendications pour les PH en la matière ?
D'abord, nous ne souhaitons pas participer aux négociations qui sont conduites sur le passage aux 35 heures des personnels.
Nous voulons, en revanche, parce que nous sommes directement impliqués dans la marche de nos établissements, être de toutes les réunions qui traiteront de l'organisation de l'hôpital. Ensuite, pour les PH en particulier, nous voulons une application de la loi adaptée à notre exercice professionnel. Bien évidemment, cela ne se jouera pas pour nous au niveau de l'amplitude horaire. Il n'est pas question qu'un PH travaille 35 heures et puis s'arrête. Mais il faut que nous obtenions des compensations en temps ou en jours de congé supplémentaires, éventuellement, sur plusieurs années - ce qui s'est négocié dans le privé tournait autour de 18 à 20 jours de congé supplémentaires par an. Par ailleurs, pour un certain nombre de praticiens qui sont en travail continu, je ne vois aucun inconvénient à ce qu'il y ait une application au plus juste des textes en vigueur. A l'occasion de cette négociation sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, les tutelles souhaiteront certainement revenir sur un certain nombre de modes d'organisation du travail hospitalier - le découpage en demi-journées, par exemple. Les PH auront sans doute des positions divergentes sur ces points, y compris à l'intérieur des intersyndicales, puisque les choses se font différemment selon les disciplines. C'est pour nous un des challenges des 35 heures : il va s'agir de fédérer nos troupes sur une position de synthèse.
Des opportunités manquées
Le précédent du repos de sécurité après une garde - toujours pas en place après plusieurs années de négociation - n'est-il pas un peu décourageant ?
C'est différent. Sur le repos de sécurité, les choses ont été très mal engagées, il y a eu des opportunités manquées. Parce que, sous couvert d'accorder le repos de sécurité aux médecins et tout en sachant qu'on ne pouvait pas l'appliquer tout de suite dans beaucoup d'établissements, la ministre a engagé la réécriture du texte qui organise nos gardes et nos astreintes (arrêté de 1973). Parce qu'elle a décidé un traitement différentiel des praticiens non pas par rapport à la pénibilité d'une garde, mais par disciplines, ce qui nous a divisés. Résultat, ce dossier a bloqué, rebloqué... Pour l'ARTT (aménagement et réduction du temps de travail, NDLR) , il va falloir que ça passe. Les 35 heures vont faire partie des éléments de redressement de la démographie hospitalière : c'est quand même aussi en donnant aux médecins, via l'ARTT, de meilleures conditions de travail à l'hôpital public qu'on les y attirera un petit peu plus.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature