L'ex-ministre du Budget comparaît pour fraude fiscale

Le Dr Jérôme Cahuzac face à ses juges

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Publié le 08/02/2016
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Ce lundi, le Dr Jérôme Cahuzac, 63 ans, ancien chirurgien, ancien député, ancien maire et ancien ministre, se retrouve seul face aux juges du tribunal correctionnel de Paris. Et face à lui-même.

Lui qui assurait, même après ses aveux, n'avoir jamais été intéressé par l'argent, et avoir eu une carrière politique exemplaire, doit répondre avec son ex-femme, Patricia Cahuzac, des chefs d'accusation de fraude fiscale et blanchiment. Des délits pour lesquels il risque jusqu'à 7 ans de prison et deux millions d'euros d'amende. 

Son parcours est celui d'un homme qui hésite entre deux trajectoires. Jérôme Cahuzac commence sa carrière comme chirurgien viscéral et cardiaque. Presque simultanément, il adhère au PS en 1977. Après avoir été conseiller de Claude Evin, alors ministre de la Santé du gouvernement Rocard entre 1988 et 1991, il ouvre avec sa femme une clinique d'implants capillaires qui procurera au couple de très confortables revenus.

Dans le même temps, grâce à son expérience de conseil ministériel chargé des médicaments, il devient consultant pour des laboratoires pharmaceutiques. C'est à ce moment-là, révélera l'enquête, qu'il ouvre un compte en Suisse.

Orateur brillant, travailleur et fin connaisseur de ses dossiers, Jérôme Cahuzac mène de front ses activités au sein de la clinique spécialisée, ses conseils à l'industrie et sa carrière politique. En 1997, il est élu député du Lot-et-Garonne, et maire de Villeneuve-sur-Lot en 2001. Proche de Dominique Strauss-Kahn, il rejoint l'équipe de François Hollande pour l'élection présidentielle. Ce dernier en fera son ministre délégué au budget.

La roche tarpéienne est proche de Bercy

Grand pourfendeur de la fraude fiscale, Jérôme Cahuzac ne le sait pas encore mais dès son entrée au gouvernement, le 16 mai 2012, ses jours politiques sont comptés. Le 4 décembre, Mediapart l'accuse d'avoir possédé un compte secret en Suisse jusqu'en 2010 (abondé à hauteur de 600 000 euros), et de l'avoir transféré à Singapour depuis.

Pendant quatre mois, Jérôme Cahuzac dément catégoriquement, à ses proches, aux parlementaires, aux médias, au gouvernement, et même à François Hollande à qui il promet « les yeux dans les yeux » qu'il n'a jamais eu de compte caché.

Mais l'étau se resserre. Le 19 mars, la justice ouvre une information judiciaire. Jérôme Cahuzac quitte Bercy, tout en continuant à clamer son innocence. Quinze jours plus tard, acculé, il reconnaît les faits sur son blog, provoquant un séisme politique. « Dévasté par le remords », il expliquera avoir « été pris dans une spirale du mensonge » et s'y être « fourvoyé ».

« Penser que je pourrais éviter d’affronter un passé que je voulais considérer comme révolu était une faute inqualifiable, concluait l'ancien ministre dans ses aveux. J’affronterai désormais cette réalité en toute transparence ».

Le procès qui s'ouvre aujourd'hui est prévu pour s'achever le 18 février, sauf report (de plusieurs mois). Me Jean Veil, avocat de l'ancien ministre, conteste le cumul de la procédure pénale avec un contentieux fiscal, rappelant qu'on ne peut sanctionner deux fois pour les mêmes faits.

 

 

 

Henri de Saint Roman

Source : Le Quotidien du médecin: 9469