L E clivage entre organisations syndicales et professionnelles provoqué il y a cinq ans par la mise en uvre du plan Juppé de réforme de la Sécurité sociale persiste encore.
Alors que la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou, s'efforce de recoller les morceaux, chaque camp a ouvert ses propres discussions sur l'avenir de l'assurance-maladie (« le Quotidien » du 20 février).
A côté de la « refondation partenariale » lancée par la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) qui rassemble deux autres syndicats de médecins libéraux et quatre des cinq confédérations de salariés qui gèrent l'assurance-maladie, un autre front commun s'est constitué, qui regroupe pour l'instant la CFDT et cinq syndicats de professionnels de santé.
Ces organisations, qui avaient toutes en leur temps soutenu et accompagné le plan Juppé, n'ont pas voulu être en reste. Cogestionnaires du système depuis cinq ans, elles entendent défendre leur bilan avant de proposer au gouvernement, dans le cadre de la concertation, « une nouvelle étape » dans la réforme.
Rythme annuel
C'est dans ce but que le syndicat de médecins généralistes, MG-France, la Fédération nationale des infirmiers, le Syndicat des biologistes, la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, tous signataires de conventions avec l'assurance-maladie, ainsi qu'une délégation de la CFDT, se retrouveront, demain, pour une première réunion de travail. Ces rencontres pourraient se dérouler à un rythme mensuel afin de faire rapidement des propositions de réforme au gouvernement. Leur groupe pourrait par ailleurs s'élargir très rapidement à d'autres organisations, comme par exemple Réforme et santé, et pourquoi pas, la Mutualité française, reconstituant ainsi clairement la ligne de fracture ouverte il y a cinq ans.
Contrairement aux autres organisations qui ont considéré le « Grenelle de la santé » comme un « non-événement » et font du maintien du dispositif actuel de maîtrise des dépenses de santé un casus belli, le « groupe des six » inscrit sa démarche dans le cadre de la concertation ouverte par Elisabeth Guigou. Mais plutôt que de tout rebâtir à partir de zéro, ils entendent défendre leur bilan et plaider pour « une accélération des réformes ». « Il ne s'agit pas seulement d'agiter des concepts (nous sommes tous d'accord sur les principes), mais de faire des propositions concrètes et d'élaborer les nouveaux outils de la régulation des dépenses », explique Marie Jeanne Ourth-Bresle, présidente de la Fédération nationale des infirmiers, qui défend le projet de soins infirmiers. Une volonté « réformatrice » également avancée par les autres syndicats mais qui s'est heurtée au dispositif de maîtrise des dépenses mis en place l'année dernière par Martine Aubry.
Trouver un compromis
Les biologistes qui ont subi trois baisses d'honoraires en quinze mois et les masseurs-kinésithérapeutes souhaitent donc que le gouvernement « puisse donner, dès le prochain PLFFS, des signes positifs aux professionnels pour leur indiquer qu'on s'oriente vers un autre système de régulation », indique Jean Benoit, président du Syndicat des biologistes. « Il faut avant tout refonder le partenariat conventionnel pour qu'il soit davantage équilibré et que la responsabilité individuelle des professionnels dans la progression des dépenses ne soit engagée qu'au regard de la qualité de leur pratique avant de redéfinir ensuite leurs missions et leur rémunération », ajoute François Maignien, président de la FFMKR.
« En cinq ans, si des choses ont avancé dans la voie de la réforme, il y a aujourd'hui à l'évidence un blocage au niveau conventionnel, en raison du système de régulation mis en place par le gouvernement, reconnaît Yves Verollet, secrétaire confédéral de la CFDT. Jean-Marie Spaeth n'a pas caché qu'il considérait que c'était un mauvais système et ce n'est pas pour nous une surprise qu'il ait conduit à l'échec. Mais c'était au gouvernement de prendre l'initiative. L'idée de ce groupe de travail, c'est donc de réfléchir avec les organisations professionnelles pour voir s'il est possible de trouver un compromis dans ce domaine. »
Renouer le fil du dialogue
Pour l'assurance-maladie, l'enjeu est d'importance. L'objectif est bien, en effet, de renouer le fil du dialogue avec les professionnels de santé, y compris au-delà des organisations qui avaient signé des conventions et de ressouder sa majorité de gestion mise à mal par la « refondation partenariale ». « Je pense qu'il y aura à terme des passerelles entre nos deux réflexions. Il ne s'agit pas de réfléchir clan contre clan. Nous ferons des propositions de rénovation du partenariat conventionnel et je pense que nous pouvons nous retrouver sur certains points. Ce sera à la mission de concertation de faire la synthèse et de contribuer à réconcilier les uns et les autres », poursuit Yves Verollet.
Si les syndicats signataires des conventions qui se qualifient volontiers eux-mêmes de « réformistes » entendent se démarquer des autres organisations syndicales engagées, selon eux, dans une « opposition de principe », le président du Syndicat des biologistes modère leurs divergences : « Il y a des raisons historiques qui font que nos réflexions sont aujourd'hui séparées. Mais il ne faut pas exagérer nos clivages. Nous avons simplement des sensibilités différentes. C'est tout. »
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