Syndrome génito-urinaire

Le laser, une alternative au traitement hormonal

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Publié le 09/05/2017
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Mona Lisa Touch

Mona Lisa Touch
Crédit photo : DR

Jusqu'à présent, le traitement de référence du syndrome génito-urinaire (SGU), caractérisée par une forte sécheresse vaginale liée à une atrophie de la muqueuse vulvo-vaginale, restait le traitement hormonal de la ménopause.

Mais ce traitement n'est possible que pour les SGU « naturelles » survenant quelques années après la ménopause. Ce n'est pas le cas des SGU induites par la chimio thérapie ou l'ablation des ovaires. C'est pour cette dernière catégorie de femmes que les Drs Sylvain Mimoun et Michel Mouly, gynécologues libéraux du centre médical Kleber Santé, à Paris, se sont intéressés à l'utilisation du laser CO2 fractionné Mona Lisa Touch commercialisé par la firme italienne DEKA.

« Ces femmes sont véritablement victimes d'une double peine, explique le Dr Mimoun les survivantes de cancer hormono dépendant ne sont pas éligibles au traitement hormonal. Chez certaines d'entre elles, la simple marche est douloureuses tellement les lèvres du vagin frottent l'une contre l'autre », ajoute-t-il.

Des séances en 2 temps

Originellement conçu pour le remodelage du derme, le Mona Lisa Touch est désormais également utilisé dans le cadre de la « réjuvénation » vaginale. Son utilisation se fait en 2 temps : une première impulsion courte, visant à détruire les couches le plus extérieures de l'épithélium vaginal, et un 2e impulsion plus lente, destinée à chauffer la muqueuse plus en profondeur, dans le but d'activer la néocollagénèse.

Les Drs Mouly et Mimoun ont mis au point une approche une peu différente de celle préconisée par DEKA : la méthode « Kleber ». « Nous avons modifié la pièce à main pour la rendre plus accessible et couvrir plus facilement la fourchette vulvaire avec la tête de tir à 360°, explique le Dr Mouly. De plus, nous commençons nos premières séances avec une puissance et un nombre d'impulsions un peu plus forts. »

Il faut 3 à 4 séances à un mois d'intervalle pour voir réapparaître, au niveau des cellules épithéliales de la muqueuse vaginale, du glycogène et des lactobacilles acidifiant le pH. Les lubrifiants sont interdits pendant les 24 à 48 heures qui précèdent la séance, et le traitement est déconseillé aux femmes ayant eu un traitement hormonal il y a moins de 6 mois ou souffrant d'infection génitale. « Au bout d'un an, la muqueuse s'atrophie à nouveau, il faut donc répéter l’opération, précise le Dr Mimoun, une séance suffit généralement. »

Une évaluation chez 84 femmes

Les Dr Mimoun et Mouly ont publié dans la revue « Gynécologie Pratique » les résultats d'une série de 84 femmes traitées pour des sécheresses vaginale, dont 33 femmes traitées pour des sécheresses post-ménopause et 51 traitées suite à des troubles consécutifs au traitement d'un cancer du sein. L'efficacité du traitement a été évaluée selon plusieurs items notés de 1 à 5 : sécheresse, brûlures, prurit, dyspareunie et dysurie.

À part la sensation de brûlure, une amélioration significative est observée dès la première des 4 séances prévues dans le protocole. Par ailleurs, 30 % des femmes traitées étaient considérées comme ne souffrant plus de sécheresse vaginale, soit 32 % des femmes en post-ménopause et 27 % des femmes post-cancer du sein. Au bout de 12 semaines, 84 % des femmes se déclaraient satisfaites du traitement. « Au bout de 3 ans et demi, j'ai revu 26 dossiers, et il y avait toujours 82 % avec de femmes satisfaites », complète le Dr Mouly.

Non remboursé

Facturée 300 à 700 euros, l'utilisation du laser dans le traitement du SGU n'est ni codée en CCAM, ni remboursée. Avec le Dr Suzette Delaloge, spécialiste du cancer du sein à l'Institut Gustave Roussy, les Drs Mouly et Mimoun vont mener une nouvelle évaluation validée par la société française d'urologie et destinée à convaincre les autorités de santé. « Le laser est prêté par DEKA, et nous sommes prêts à faire ces séances de manière bénévole, il ne manque plus qu'un pharmacien pour mettre en place les nomenclatures, détaille le Dr Mouly, si l'IGR confirme nos résultats, alors peut être que ce sera considéré comme un soin de support en oncologie et non pas comme un soin de confort ».

« Il y a 4 ans, on considérait ce laser comme une médecine esthétique de riches, mais ce n'est plus le cas. Nous espérons qu'il soit un jour remboursé pour les femmes survivantes de cancers hormonodépendants », poursuit le Dr Mimoun. Un autre protocole de recherche est en préparation dans l'indication de l’incontinence urinaire légère à modérée. Les deux médecins voient plus loin : les polyarthrites rhumatoïdes traitées et le diabète sont aussi parfois liés à l'apparition de sécheresses vaginales.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9579