Le microbiote intestinal peut affecter l’efficacité de l’immunothérapie contre le cancer

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Publié le 03/11/2017

Le microbiote intestinal influence fortement la réponse des cancers à l’immunothérapie par anti-PD1, selon deux études parues dans « Science ». L’équipe du Pr Laurence Zitvogel, de Institut Gustave Roussy (IGR) à Villejuif, dévoile notamment l’effet négatif des antibiotiques, deux mois avant et jusqu’à un mois après le début du traitement, sur la survie sans progression et la survie globale des patients dans les trois types de cancer : poumon, rein ou mélanome.

Le simple fait d’éviter la prise d’antibiotiques avant ou durant l’immunothérapie pourrait majorer le taux de réponse des patients, de 25 % actuellement à 40 %, estime le Pr Zitvogel. Environ 20 % des malades traités pour un cancer sont sous antibiothérapie. 

En 2015, le Pr Zitvogel et son équipe de l’IGR montraient pour la première fois qu’une modification du microbiote intestinal chez la souris pouvait améliorer la réponse des tumeurs à l’immunothérapie par les inhibiteurs des points de contrôle.

Cancer du poumon, de la vessie et du rein

Dans la nouvelle étude co-dirigée par Laurence Zitvogel et son mari biologiste Guido Kroemer, Routy et coll. ont examiné l’impact d’une antibiothérapie chez 249 patients au stade avancé d’un CPNPC (n = 140), d’un cancer du rein (n = 67) ou d’un cancer de la vessie (n = 42), traités par anti-PD-1. Parmi ces 249 patients, 69 (28 %) avaient reçu une antibiothérapie dans les 2 mois précédant la thérapie anti-PD-1 ou dans le mois suivant le début de l’immunothérapie. Les patients co-traités par une antibiothérapie connue pour appauvrir et déséquilibrer le microbiote intestinal (au moins temporairement) rechutent plus rapidement et survivent moins longtemps.

Des analyses réalisées à l'INRA par le Dr Emmanuelle Le Chatelier qui a comparé la composition du microbiote intestinal chez les répondeurs et les non répondeurs aux anti-PD-1 révèlent que la bactérie Akkermansia muciniphila est fortement associée à une réponse favorable aux anti-PD-1 aussi bien pour le CPNPC que le cancer du rein et avec prise ou sans prise d’antibiotiques.

Lorsque les souris exemptes de microbiote intestinal reçoivent une greffe fécale de patients répondeurs, leurs tumeurs répondent mieux aux anti-PD1, comparées aux souris recevant une greffe fécale de non répondeurs. De plus, chez les souris répondant mal aux anti-PD1, l’apport oral d’A. muciniphila restaure l’efficacité des anti-PD-1.

Dans le mélanome

Les résultats de l'étude française sont confirmés par l’étude de Gopalakrishnan et coll., dirigée par le Dr Jennifer Wargo (MD Anderson Cancer Center) réalisée, cette fois-ci, chez des patients ayant un mélanome avancé. Les répondeurs aux anti-PD1 (n = 30) ont un microbiote intestinal plus diversifié et plus riche en Faecalibacterium (de la famille des Ruminococcaceae et ordre des Clostridiales) que les non répondeurs (n = 13). Les souris recevant une greffe fécale des patients répondeurs ont une croissance tumorale fortement réduite et répondent mieux aux anti-PD-1.

Le Dr Wargo planifie déjà un essai clinique pour évaluer si la manipulation du microbiote, en recourant à des greffes fécales (sous forme de comprimé) ou à un traitement bactérien, pouvait améliorer le taux de réponse aux anti-PD-1. Financé par le nouvel Institut Parker pour l’immunothérapie contre le cancer (créé en 2016 à San Francisco), cet essai pourrait débuter dans 6 à 8 mois.

Science 2 novembre 2017, Routy et coll., Gopalakrishnan et coll.

Dr Veronique Nguyen

Source : lequotidiendumedecin.fr