DEPUIS DES DÉCENNIES, les études de médecine fascinent les bacheliers. Dans l’imaginaire collectif, la première année est difficile, sa sélection rigoureuse, la quantité de travail qu’elle exige est impressionnante, son ambiance est particulière et pourtant ils sont chaque année plus nombreux à tenter leur chance. Selon les chiffres collectés auprès des services de scolarité des facultés par l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), plus de 46 600 étudiants se sont inscrits pour l’année universitaire 2006-2007 (« le Quotidien » d’hier). Les inscriptions n’étant pas closes dans toutes les universités, le total devrait avoisiner 48 000 d’ici à la fin du mois.
«Beaucoup d’étudiants s’inscrivent aujourd’hui en Pcem1 en croyant que l’augmentation du numerus clausus va faciliter leur passage en 2eannée, explique Anthony Cottret, ancien chargé de mission de l’Anemf,qui a réalisé avec trois étudiantes bordelaises des fiches pratiques sur la première année disponibles sur le site Internet de l’association, www.anemf.org . Une hausse du numerus clausus ne rend pourtantpas les choses plus faciles.Une augmentation de1000placessur la France entière ne donne au final qu’une augmentation d’une dizaine de places par fac. Et l’annonce d’une hausse du numerus clausus entraîne automatiquement une forte augmentation des inscriptions en P1. Au final, il y a donc plus de places mais également plus d’inscrits, donc, le pourcentage de reçus reste sensiblement le même, voire diminue.»
Si le numerus clausus reste à hauteur de 7 000, comme l’a annoncé le ministre de la Santé, le taux d’étudiants reçus approchera les 14,6 % en 2007. La réussite au concours de P1 sera donc plus difficile encore en juin prochain qu’elle ne l’était en 2006 (16,35 %). La motivation des candidats, autant que leurs capacités de travail, sera donc essentielle. Il en faut dans certaines facultés, pour prendre place dans un amphithéâtre bondé, trouver un livre à la bibliothèque universitaire ou apprendre les dizaines de polycopiés distribués quotidiennement par les professeurs. Et continuer à ce rythme, jour après jour, pendant dix mois. L’abnégation est aussi nécessaire en début d’année quand l’ambiance est la plus folklorique, que retentissent les chansons paillardes et que volent au-dessus des bancs de l’amphi boulettes et avions en papier. Cette ambiance et la pression des redoublants est parfois mal vécue par les primants. «Beaucoup de rumeurs courent sur la mentalité en P1: esprit concours, mesquinerie, coups bas, tout y passe… Un petit éclaircissement s’impose, explique Anthony Cottret. En P1, tout le monde ne pense pas qu’à voler les cours de son voisin! La première année est un concours qui nécessite de donner le meilleur de soi, pas de se battre contre les autres!»
Une course de longue haleine.
Quels sont les secrets de la réussite en P1 ? «Il n’existe pas de méthode absolue de travail, explique Anthony Cottret. Tout dépend du type de mémoire de l’étudiant, de sa vitesse de mémorisation, de ses facilités. Sicette méthode a fait ses preuves au bac, il aura bien sûr intérêt à la garder.» Pour s’assurer de meilleures chances de réussite au concours, une grande majorité des étudiants en première année est inscrite aux tutorats de la faculté ou dans des prépas privées. Ces « boîtes à bac », parfois coûteuses, contraignent les étudiants à venir à toutes les colles. Après chaque « tour de colles », un classement leur est remis et un double est envoyé aux parents. Les étudiants doivent aussi se décider à réviser à la maison, à moins qu’ils ne deviennent adeptes de la bibliothèque universitaire – quand elle n’est pas bondée et bruyante – pour être tenus éloignés de tout élément éventuel de distraction (télévision, ordinateur…).
Difficile de trouver le juste milieu.
Face au rythme imposé par la formation, les étudiants sont amenés à vivre des périodes de doute et à envisager parfois d’abandonner en cours de route. «La première année est une année qui ne ménage personne du point de vue psychologique. Il n’est pas facile de consacrer un an rien qu’à ses études en diminuant drastiquement sorties et loisirs. A chacun de trouver un exutoire, en s’accordant de temps en temps un après-midi pour se faire plaisir et oublier le temps de quelques heures l’anatomie.» La première année est aussi parfois à l’origine d’excès. Dans un souci de performance, des candidats sont tentés de prendre des médicaments pour lutter contre la fatigue, la perte d’énergie, l’excès de stress ou les problèmes de concentration. Dans une enquête menée auprès de 104 étudiants de la faculté de médecine de Nancy par Patrick Laure, chercheur au laboratoire Stress et Santé de l’université de Reims, 58 % ont reconnu avoir consommé des produits pour obtenir de meilleurs résultats. Le sommeil est en effet considéré comme une perte de temps par certains étudiants, dont les témoignages évoquent jusqu’à la prise de psychotropes ou d’amphétamines.
Réussir sa première année impose également de gérer la période d’examens et d’éventuels mauvais résultats lors de la première session de janvier. «Les primants ne doivent jamais baisser les bras, explique Anthony Cottret, car, s’ils laissent tomber rapidement, ils resteront au même niveau l’année suivante, sans l’avantage de l’avance dans les cours!»
Pour une grande majorité d’étudiants, le Pcem1 va néanmoins se solder par un échec et nécessiter une réorientation. Les équivalences sont encore peu nombreuses, mais l’ouverture de passerelles vers d’autres filières est étudiée par le gouvernement dans le cadre de l’adaptation des études médicales au cursus du LMD. Pour éviter que ne s’amplifie le gâchis humain de l’impitoyable première année.
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