LE QUOTIDIEN - Dans quelles directions allez-vous prioritairement engager l'INSERM ?
LE Pr Christian BRECHOT -Comme Claude Griscelli, mon prédécesseur, j'ai une double formation d'hospitalo-universitaire. Je suis reconnu à la fois par les communautés scientifique et médicale. Mon objectif, à l'INSERM, est de mener ces deux orientations de front. Je souhaite renforcer l'équilibre entre la recherche biomédicale et la santé publique. Il ne doit pas y avoir de contradiction entre une recherche en amont, qui doit être maintenue au sein de l'institut, et toutes les facettes de la recherche clinique : les recherches biologique, thérapeutique, celle dite au lit du malade. Cette politique n'est pas nouvelle à l'INSERM, mais il est possible de l'améliorer.
Par ailleurs, je pense qu'il est important que l'INSERM associe deux types d'actions. D'une part, la recherche libre, de base, doit respecter la créativité des chercheurs qui disposent d'un budget fixé en fonction de l'évaluation de leurs unités. D'autre part, des actions ciblées doivent être menées sur des grands problèmes de santé publique comme l'obésité, l'hépatite B, les maladies à prions. Il ne faut pas ignorer le traitement des besoins pressants.
Envisagez-vous de travailler, pour ces actions ciblées, avec d'autres organismes de recherche ?
Bien sûr. Nous devons éviter la dispersion des moyens et, surtout, coordonner plus efficacement nos efforts avec les autres acteurs de la recherche française. Je pense notamment au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) , au CEA (Commissariat à l'énergie atomique) , aux hôpitaux et aux universités, aux agences sanitaires, aux associations caritatives ainsi qu'au milieu industriel. Il faut pouvoir donner des orientations objectives et travailler en complémentarité.
En concertation avec la base
Le budget de l'INSERM a augmenté de 16 % pour l'année 2001, une hausse jamais enregistrée depuis 1983. Quel signe y voyez-vous ?
C'est tout d'abord le fruit d'une action positive de mon prédécesseur. Le ministère de la Recherche a pris en compte la médicalisation de l'INSERM et sa capacité d'adaptation aux besoins. Trop de recherches isolées stérilisent l'INSERM. L'augmentation du budget de l'institut nous place dans une position favorable pour mettre en place des actions raisonnées en santé publique. Mais il faut le faire en concertation, à court et également à moyen terme, avec la base (les chercheurs, les cliniciens, les personnalités extérieurs). Les décisions doivent également venir du bas vers le haut.
Quelle politique de recrutement pensez-vous adopter pour l'INSERM ?
Nous devons être capable de recruter et de donner des responsabilités à de jeunes chercheurs, fondamentaux ou cliniciens. L'INSERM a besoin de rajeunissement et cela passe par une revalorisation des salaires. Il faut également identifier très tôt et favoriser l'émergence des gens de valeur, susceptibles de former de petites équipes. L'INSERM doit continuer à montrer au ministère de tutelle qu'il sait s'adapter en santé publique tout en respectant son cahier des charges en matière de recherche biologique.
Dans quel état d'esprit êtes-vous, après votre nomination officielle ?
Je la prends comme un très grand honneur, comme une aventure. Je renonce, pour ce poste, à beaucoup de choses et notamment à la clinique. L'INSERM est une structure très bien adaptée, grâce à son implantation dans les hôpitaux et les universités, pour travailler sur le postgénome. Elle a tous les atouts pour valider des recherches centrées sur l'homme. Il n'y a pas beaucoup d'autres organismes qui peuvent le faire, même à l'étranger. L'INSERM a une solidité de base qui permet d'entretenir la créativité et de s'adapter aux besoins.
N'avez-vous pas peur de l'ampleur des tâches administratives ?
Non, j'ai accepté d'être nommé à la tête de l'INSERM en toute connaissance de cause.
Trois missions principales
C'est sur proposition du ministre de la Recherche, Roger-Gérard Schwartzenberg, que le conseil des ministres a nommé Christian Bréchot directeur général de l'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) pour succéder à Claude Griscelli. Pour Roger-Gérard Schwartzenberg, Christian Bréchot est avant tout « un grand chercheur de réputation internationale, spécialiste des hépatites B et C, et des mécanismes à l'origine des cancers du foie ». « Il est important qu'il y ait à la tête de l'INSERM quelqu'un qui soit praticien hospitalier et qui ait des contacts directs et quotidiens avec les patients », ajoute le ministre de la Recherche, qui voit dans la relation humaine avec les patients « une dimension nécessaire de l'efficacité de la recherche médicale ». Le choix de Christian Bréchot, 48 ans, correspond également à la « volonté de rajeunir la direction générale de l'INSERM ».
Le nouveau directeur général a trois missions principales : développer les recherches de pointe sur les thématiques nouvelles (thérapies géniques et thérapies cellulaires, infections à prions) ; renforcer la coordination des différentes unités de l'INSERM ; consolider la coopération avec les autres organismes de recherche, dont le CNRS et les universités.
Un spécialiste d'hépatologie à la double formation
Christian Bréchot, 49 ans, possède une double formation en recherche fondamentale et clinique. Interne des Hôpitaux de Paris en 1975, il avoue avoir un attachement fort pour l'Institut Pasteur, où il passe une thèse d'Etat ès sciences en biochimie, en 1985, après avoir obtenu un certificat d'immunologie générale. Dès 1989, il devient PU-PH (professeur des universités-praticien hospitalier) en biologie cellulaire au CHU Necker.
Il crée et dirige, à partir de 1993, l'unité 370 Carcinogenèse hépatique et virologie moléculaire (INSERM-CHU Necker - Enfants-Malades). Entre 1988 et 1991, il est correspondant de l'OMS pour la coordination des études sur la standardisation de la PCR pour le diagnostic des infections par le VIH. Il coordonne ensuite, de 1992 à 1996, une action européenne visant à l'analyse moléculaire des cancers primitifs du foie dans différentes zones géographiques en Europe.
En 1996, il est lauréat de l'Académie de médecine. Responsable du laboratoire Hybridotest à l'Institut Pasteur, il prend la direction, à partir de 1998, du Centre national de référence sur l'épidémiologie moléculaire des hépatites virales (laboratoire mixte Pasteur-Necker - Enfants-Malades). Il est membre des commissions scientifiques de l'Association pour la recherche sur le cancer depuis 1988 et de la Ligue nationale contre le cancer depuis 2000, date à laquelle il reçoit le prix Jean-Valade.
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