Un entretien avec le président de la Conférence des doyens

Le Pr Roland : la réforme n'abaissera nullement le niveau des étudiants

Publié le 23/01/2001
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LE QUOTIDIEN - L'Assemblée nationale a adopté en première lecture l'article de loi du projet de modernisation sociale supprimant le concours de l'internat dans sa forme actuelle. Quelle est votre réaction ?
JACQUES ROLAND -En tant que représentant des doyens, je ne peux qu'être satisfait de cette avancée puisque nous avons largement inspiré ces textes. Nous étions d'ailleurs un peu inquiets de voir que le projet de loi de modernisation tardait à être présenté au Parlement.
Quelles seront exactement les conséquences de ce texte ?
Ce texte a une forte portée puisqu'il ouvre la voie de l'internat à l'ensemble des étudiants. Il remplace en effet le concours actuel de l'internat par un examen classant national.
Dans sa forme actuelle, ce texte soulève un certain nombre de problèmes et d'interrogations parmi les étudiants.
Les étudiants réclament en effet qu'une deuxième chance leur soit accordée, c'est-à-dire la possibilité de repasser l'examen l'année d'après pour tenter d'obtenir un meilleur classement et ainsi pouvoir choisir la ville et la discipline de leur choix. Nous ne sommes pas, a priori, totalement défavorables à cette idée.
Les étudiants demandent également que les épreuves du concours soient délocalisées et se déroulent au sein des facultés. Etes-vous favorable à cette idée ?
Il ne semble pas utile de créer des problèmes artificiels. Obliger les étudiants à se déplacer avec ce que cela comporte comme difficultés pour se loger reviendrait à créer un stress supplémentaire ce qui n'est pas souhaitable. Mais le concours de l'internat dans sa nouvelle version ne sera mis en place qu'en 2004. Nous avons donc encore le temps pour travailler sur tous ces sujets avec l'administration.
Ici où là s'élèvent des voix pour dire que la suppression du concours de l'internat va niveler vers le bas le niveau des étudiants. Qu'en pensez-vous ?
Ce type de discours est totalement inacceptable. Nous avions mis en place un système complètement schizophrène où, pour devenir spécialistes, les jeunes boycottaient les cours de faculté et les stages pour bachoter. Ils finissaient par trouver plus utile d'apprendre des listes par cœur pour répondre à des QCM, plutôt que d'être devant des malades. On a failli complètement détruire les études médicales avec cette course à l'élitisme. Avec cette réforme, on va parvenir à ce que le programme du concours de l'internat soit enfin celui du programme des études médicales.
Au-delà de ce volet concernant le 3e cycle, où en est-on justement dans la réforme des études médicales ?
La réforme du second cycle interviendra au 1er septembre prochain. Le programme est connu de tous et la forme acceptée par l'ensemble de la communauté éducative. Le dispositif global est satisfaisant. Il ne reste qu'à l'homogénéiser sur le plan national. Toutes les facultés sont actuellement en cours de révision pédagogique. Nous serons dans les temps.

Réflexion sur le premier cycle

Et où en est le projet ambitieux de rénovation du 1er cycle et de création d'une sorte de DEUG, qu'avait lancé Claude Allègre ?
Ce projet n'a plus cours. Nous sommes repartis de zéro. Mais pour réfléchir et préparer sérieusement cette réforme du premier cycle, nous disposons d'un an. Nous travaillons dans un très bon esprit, notamment avec l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), ainsi qu'avec les conseillers du ministère de l'Education nationale et le secrétariat d'Etat à la Santé qui nous ont donné carte blanche pour examiner toutes les solutions innovantes mises en œuvre en Europe et ailleurs.
C'est important pour vous ?
L'enjeu de cette réforme est justement de parvenir à faire bouger nos étudiants, de les amener à partager des expériences scientifiques avec leurs homologues étrangers. L'Angleterre a développé des formes intéressantes de formation, l'Allemagne et l'Italie aussi. Nous devons mener notre réflexion en tenant compte de ce qui se fait de bien ailleurs.
La tendance actuelle est justement d'accueillir des diplômés étrangers pour combler les problèmes de démographie médicale. Ne devrait-on pas fixer un numerus clausus plus en rapport avec les besoins ?
Nos facultés sont suffisamment remplies. Notre problème actuel n'est pas tant un problème d'effectifs que de parvenir à former le nombre de médecins suffisant dans les spécialités désirées.
Que proposez-vous ?
La question est vaste. Nous sommes en train d'y réfléchir pour trouver des solutions. Mais, il nous semble nécessaire que la répartition se fasse en fonction du nombre de bacheliers souhaitant faire des études de médecine dans chaque région.

Propos recueillis par Clara CAHART

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6841