« F ILS de deux mères » : ainsi s'intitule, résumant clairement son sujet, le roman de l'écrivain italien Massimo Bontempelli* (chef de file du « réalisme magique » dans les années vingt) dont s'inspire le réalisateur et sa co-scénariste Françoise Dumas. « J'aime beaucoup ce qu'il écrit, commente Ruiz :ça a plus à voir avec les fantasmes qu'avec les fantômes... et moi je travaille un peu dans cette direction avec mes films ».
Tout commence un jour d'hiver, à un repas d'anniversaire : Camille, 9 ans, demande à sa mère : « Et toi maman, tu étais où quand je suis né ? ». L'enfant mène le jeu, il conduit celle qui se sait sa mère auprès d'une autre qu'il appelle maman. Comme dans « Trois vies et une seule mort » ou « Généalogie d'un crime », pour ne citer que des uvres récentes, le cinéaste applique une logique qui lui est propre à son récit. La logique d'un monde où le réel est sans cesse remis en question. Le réel et donc tout ce qui nous fait exister et avoir une identité. Et quelle identité plus sûre, a priori, que celle de « fils de » ou « mère de » ?
Bien sûr, il y a des fils à tirer, des pistes à ouvrir, pour structurer le récit davantage que pour satisfaire à des exigences de rationalité, d'ailleurs. On parlera donc folie - en tout cas psychiatrie, entre autres. Cela ne nuira en rien à la poésie de l'univers créé par Ruiz.
Un univers auquel on peut être un peu réfractaire si l'on est épris d'explications univoques. Mais ces réticences devraient disparaître face à l'intelligence et à la sensibilité des deux actrices, Isabelle Huppert et Jeanne Balibar, qui mettent chacune toute la subtilité de leurs personnalités, pourtant bien différentes, dans cette compétition pour un enfant. Un enfant joliment incarné par le jeune Nils Hugon, tandis qu'on a plaisir à retrouver Edith Scob (hommage à Franju, autre chantre du fantastique à la française, loin des effets spéciaux spectaculaires).
* Le livre, publié en 1929, est réédité par les Editions Ecriture sous le titre « Comédie de l'innocence » (192 pages, 89 F).
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