« L ORSQUE nous l'avons récupéré, rayonnant sous un soleil radieux, dans la steppe kazakhe, après ses huit jours passés dans l'espace (deux jours à bord du vaisseau taxi Soyouz et six jours dans l'ISS), Dennis Tito nageait dans une sorte d'euphorie extraordinaire à voir », raconte le Dr Antonio Guell.
Le responsable du programme des sciences de la vie au Centre national d'études spatiales (CNES) a assisté à l'événement, dans le cadre du partenariat franco-russe sur les mesures pré- et postvols taxi. Tout à l'ivresse d'avoir réalisé le rêve de sa vie, l'ancien ingénieur de la NASA n'a pas eu trop de deux jours pour redescendre totalement sur Terre et recouvrer tous ses esprits pour la conférence de presse organisée à la Cité des étoiles (banlieue de Moscou).
« Une inspiration pour d'autres »
« J'ai passé soixante ans sur la terre et huit jours dans l'espace, a-t-il déclaré alors aux journalistes. A mes yeux, il s'agit de deux vies bien distinctes (...) Si cela avait été possible, j'y serais resté pendant des mois. Il n'y a eu absolument aucune difficulté. C'était parfait. C'était le paradis. J'ai réalisé mon rêve (...) J'espère que ce sera une inspiration pour d'autres. »
Au-delà du « cas » Tito,la question est désormais posée, en effet : une ère nouvelle s'ouvre-t-elle, celle du tourisme spatial ?
Pour le Dr Guell, cela ne souffre aucun doute : « Il en est du vol spatial aujourd'hui comme des débuts de l'aviation : Saint-Exupéry ou les successeurs de Clément Ader éprouvaient la sensation d'appartenir à une élite, le tout petit nombre des hommes qui volent. On a vu la suite. Pour l'espace, dans dix ou quinze ans, on observera une banalisation qui s'inscrit dans la nature des choses. »
Pour autant, on ne prend pas place dans une navette comme on s'assied dans une cabine d'avion. Et Dennis Tito a bien lieu de le remarquer : « Un vol spatial n'est pas la même chose qu'un voyage à bord d'un Boeing 747. Ce n'est pas à la portée de n'importe qui. Il faut de l'intelligence et un bon niveau de préparation physique ».
Mais c'est surtout le prix du billet qui restera longtemps le principal facteur limitant. A 20 millions de dollars l'aller-retour (pas forcément beaucoup plus cher que le prix coûtant, disent les spécialistes), la sélection s'annonce pour le moins drastique.
L'expérience accumulée par 300 ou 400 cosmonautes
Quant aux critères médicaux, « le commun des mortels pourra y satisfaire aisément, estime le Dr Guell, dès lors qu'il présentera une bonne forme physique. Pour ce type de vol, en effet, on ne pousse pas du tout les conditions aux extrêmes. L'époque de « L'étoffe des héros », où on ignorait tout de l'adaptation de l'homme aux vols spatiaux, est bien révolue (Ndlr : film américain de Philip Kaufman retraçant l'épopée mythologique des premiers astronautes qui subissent un entraînement incroyable avant d'être envoyés dans l'espace).
« Aujourd'hui, poursuit le responsable du CNES, avec l'expérience accumulée par trois ou quatre cents cosmonautes, on maîtrise parfaitement tous les paramètres humains de ces vols. Tout cadre dynamique qui s'adonne à trois ou quatre joggings par semaine, n'a pas d'antécédents médico-chirurgicaux et satisfait aux critères anthropométriques en vigueur, avec une taille inférieure à deux mètres et un poids de moins de 200 kilos, est bon pour l'espace. »
S'agissant de vols dits taxi, c'est-à-dire d'une durée limitée à quelques jours, des critères psycho-physiologiques ne semblent pas nécessaires, les problèmes entre membres d'équipage et entre les cosmonautes et le sol, liés à au confinement et à l'enfermement, n'apparaissent en effet qu'avec des croisières prolongées.
Somme toute, un simple entraînement au hardware de Soyouz (environnement technique du vaisseau) est nécessaire.
Au firmament de l'histoire de la conquête intersidérale, le nom de Dennis Tito va donc s'inscrire comme celui d'un pionnier qui n'aura pas eu tort d'encourir les foudres de la NASA, son ancien employeur. Fulminant contre son ex-ingénieur, l'agence américaine a affirmé que son voyage avait créé un grand stress pour le personnel à terre et des difficultés pour l'équipage de la station. Mais l'un de ses membres, Talgat Moussabaïev, a souligné la contribution de l'homme d'affaires au travail à bord, indiquant qu'il avait aidé à établir des liaisons et à distribuer l'eau et la nourriture.
Quant au héros de cette nouvelle aventure, il a si bien vécu l'expérience qu'après l'atterrissage, contrairement aux protocoles en vigueur, il a voulu marcher sans assistance vers la tente de contrôle médical, refusant de s'asseoir dans le siège spécial qui lui était proposé.
« En fait, précise le Dr Guell, il a quand même souffert d'un mal de l'espace modéré pendant les trois premiers jours, éprouvant des difficultés à rester serein lorsqu'il bougeait la tête par rapport au corps. Mais sa récupération a été parfaite. Et il a pu rejoindre Los Angeles après seulement trois jours à la Cité des étoiles. »
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature