Dix ans après l’étude WHI

Le traitement hormonal de la ménopause est réhabilité

Publié le 25/10/2012
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Crédit photo : PHANIE

APRÈS le moment de stupeur qui a suivi en 2002 la publication de WHI, certains ont osé réfléchir. Il y a eu la publication de l’étude française E3N qui montrait que le progestatif utilisé jouait un rôle important notamment dans l’induction de cancer du sein. La progestérone naturelle puis la dydrogestérone semblaient présenter moins de danger que les autres progestatifs (1). Puis, l’étude Esther (2) montrait la différence d’action entre les estrogènes pris par voie orale et par voie cutanée sur l’apparition des maladies veineuses thromboemboliques.

On osait également évoquer le biais de la WHI : femmes ménopausées depuis longtemps (moyenne d’âge : 65 ans), non indemnes de pathologie (IMC élevé, diabète, HTA).

En 2002, on a vu paraître diverses études dites de « revisitation » de la WHI parlant, tout du moins, pour l’action cardio vasculaire, de fenêtres d’intervention (3) favorables avant 60 ans ; ce sujet avait, d’ailleurs, été abordé par les études de « Clarkson » (4).

Mea culpa.

En 2012, les publications vont toutes dans ce sens. Ce qui a permis au principal investigateur de la WHI de faire son mea culpa lors du BCGIP à Barcelone en mai 2012. R. Langer a longuement critiqué les failles de cette étude, regrettant qu’il ait fallu dix ans pour reconnaître ces erreurs, laissant à la traîne une génération de femmes à qui on aurait pu améliorer la santé et la qualité de vie. À l’époque, tous affirmaient qu’il n’y aurait pas d’autres études contradictoires.

Étude KEEPS.

Et pourtant, la Kronos Early Estrogen Prevention Study (KEEPS) a vu le jour. Ses résultats ont été présentés récemment (5). Elle a duré quatre ans, quasiment comme la WHI avant son arrêt.

C’est une étude randomisée double aveugle versus placebo. 727 femmes ont été incluses, reparties en 3 bras. : un groupe a reçu des estrogènes conjugués équins (Premarin) à la dose de 0,45 mg/jour (contre 0,625 mg/jour dans WHI), le second, un patch d’estradiol per cutané dosé à 50 µg/jour (Climara). À ces estrogènes étaient associés dans les deux groupes 200 mg de progestérone micronisée (Utrogestan) douze jours par mois. Le 3e groupe recevait un placebo. Quatre-vingt pour cent ont poursuivi leur traitement pendant quatre ans ; parmi elles, d’ailleurs, 64 % ont continué à le prendre à l’arrêt de l’étude.

Pour la KEEPS, le traitement a démarré en tout début de ménopause pour une moyenne d’âge de 52 ans (63 pour la WHI). Les patientes n’avaient pas d’antécédents, notamment cardio-vasculaires.

Dans les groupes traités par estrogènes, il y a eu, bien sûr, une action sur les bouffés de chaleur, les sueurs nocturnes, l’humeur, la sexualité et la densité osseuse.

Il faut insister sur le fait que même si la dose de Premarin a été diminuée, les doses d’estrogènes utilisées sont considérées comme « normales » et non pas comme « minidoses ». Les estrogènes par voie orale ont été associés avec une augmentation du HDL cholestérol, une diminution du LDL cholestérol mais une augmentation des triglycérides. Les estrogènes par voie percutanée ont eu un effet neutre sur ces biomarqueurs.

Ni la voie orale, ni la voie transdermique n’affectent la pression systolique ou diastolique ce qui contraste avec les doses plus fortes par voie orale utilisées dans la WHI La surveillance par ultrasons pendant 48 mois à la recherche de dépôts calciques dans les carotides n’a montré aucun effet délétère dans le domaine de l’athérosclérose.

Il n’y a pas eu dans les trois groupes de différence concernant le nombre de cancers du sein, de l’endomètre, des infarctus, des accidents vasculaires cérébraux, des maladies veineuses thromboemboliques. Le nombre de ces incidents étant extrêmement faible dans les 3 groupes.

Cette étude a montré l’intérêt du traitement hormonal chez les femmes en tout début de ménopause et conforté l’idée du rôle important lié à la dose des estrogènes, à la voie d’administration et du type de progestatif utilisé.

Les rapporteurs ont insisté sur l’importance d’individualisation du traitement. Le choix de la voie orale et de la voie transdermique doit se faire en fonction des symptômes ressentis, des facteurs de risque.

Etude danoise dans le « BMJ ».

Une autre étude vient d’être publiée le 9 octobre 2012 (6). Il s’agit d’une étude danoise randomisée THM versus pas de traitement (6). Les patientes recevaient soit le Trisequens (estradiol oral + Neta) soit un estradiol oral seul en cas d’hystérectomie. Plus de 1 000 femmes ont été incluses, au minimum dix ans pour la plupart, certaines depuis seize ans. La dose d’estradiol (2 mg) n’est pas une minidose. L’âge moyen est de 50 ans.

La ménopause était installée depuis sept mois au moins. Les auteurs rapportent une diminution du risque de mortalité, une diminution des maladies cardio-vasculaires, l’absence d’augmentation du nombre de cancers, des maladies veineuses thromboemboliques et des accidents vasculaires cérébraux même si la durée du traitement est de seize ans.

Qualité de vie.

Alors, dix ans après, va-t-on enfin faire confiance au traitement hormonal et pourra-t-on enfin aider les femmes en début de ménopause en leur apportant une meilleure qualité de vie et en agissant favorablement sur la prévention des maladies cardio-vasculaires, de certains cancers et de l’ostéoporose ?

(1) E3N Breast cancer Res treat. 2008 Fournier et al. : Menopause 2011.

(2) Etude ESTHER : Olié V et al. Curr Op. Hemat. 2010.

(3) Rossow JE JAMA 2007 et Manson JE N Eng Med, 2007

(4) Clarkson : J. Clin Endocrino Metab 1998.

(5) Site WEB NAMS, compte rendu de Congrès, octobre 2012.

(6) L. Schierbeck and al. Effect of hormone replacement therapy on cardiovascular events. BMJ 9 octobre 2012.

 Dr LYDIA MARIÉ-SCEMAMA

Source : Le Quotidien du Médecin: 9181