Espoir dans la maladie de Parkinson

L’effet neuroprotecteur des chélateurs du fer

Publié le 28/04/2014
Article réservé aux abonnés
1398680079518362_IMG_128563_HR.jpg

1398680079518362_IMG_128563_HR.jpg
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Le docteur David Davos ne masque pas son enthousiasme : « on est en train de créer une nouvelle classe de molécules pour les maladies du cerveau ». Avec ses collègues du service de neurologie du CHRU de Lille et les chercheurs de l’unité EA 10461 « Maladie d’Alzheimer et pathologie vasculaire » de l’université Lille 2, il vient de publier dans « Antioxydants & Redox Signaling » la première étude clinique montrant un effet neuroprotecteur du défériprone, un médicament habituellement indiqué dans le traitement de la surcharge en fer des patients souffrant de thalassémie majeure.

Les 40 patients sous traitement dopaminergique inclus dans l’étude ont été répartis entre un groupe placebo et un groupe traité avec une dose de 30 mg/Kg/J en prise orale deux fois par jours. Six mois plus tard, le groupe placebo était également mis sous défériprone. Au bout de 18 mois de suivi, les patients ayant initié le traitement plus tôt avaient toujours un score moyen UPDRS supérieur d’un point en moyenne, comparés aux patients qui avaient commencé l’étude par six mois de placebo.

Un effet symptomatique et neuroprotecteur

Si le chélateur de fer n’avait eu qu’un effet symptomatique, il n’y aurait pas eu de différence entre les deux groupes, il y a donc également un effet neuroprotecteur. « La cerise sur le gâteau, c’est que cette molécule inhibe également le métabolisme de la dopamine, ce qui ajoute un effet symptomatique pour une augmentation totale de deux à trois points du score UPDRS », ajoute David Devos.

Depuis la première description faite par Jean Lhermitte en 1924, on sait qu’il existe une accumulation locale de fer dans la maladie de Parkinson, mais ce n’est que dans les années 1990 que le Britannique David Dexter, professeur en neuropharmacologie à l’Imperial College de Londres a décrit comment le fer labile aggrave le stress oxydant et provoque la mort neuronale.

L’industrie pharmaceutique réticente

David Dexter est un grand défenseur des recherches sur les chélateurs du fer dans le traitement des malades de Parkinson. Il regrette le temps qu’il a fallu pour convaincre la communauté scientifique de l’intérêt de la démarche : « On craignait beaucoup le risque de déficience généralisée en fer, surtout chez les personnes âgées. Les firmes pharmaceutiques étaient très frileuses de peur de voir des données négatives associées à cette molécule. » David Dexter mène en ce moment une étude sur 60 parkinsoniens précoces répartis entre un groupe placebo, un groupe recevant 20 mg/Kg/jour de défériprone et un groupe recevant 30 mg/kg/jour. « L’IRM a montré une baisse du niveau de fer dans le noyau caudé et le noyau dentelé des patients mais pas dans la substance noire où meurent les neurones des malades. » L’étude n’a pour le moment duré que six mois, une deuxième phase doit s’étendre sur deux ans.

Des risques de sarcopénie et d’agranulocytoses à surveiller

La preuve de concept est faite, mais pour David Dexter, « le défériprone ne sera pas la molécule qui sera employée » si les chélateurs du fer devaient entrer dans l’arsenal thérapeutique contre la maladie de Parkinson. Le défériprone présente en effet un certain nombre d’effets secondaires comme la sarcopénie ou des agranulocytoses, ce qui suppose la réalisation hebdomadaire d’hémogrammes. Apopharma, qui avait déjà développé le défériprone, travaille sur un nouveau chélateur du fer qui pourrait faire figure de candidat. Une demande de financment a été déposée dans le cadre du plan européen Horizon 2020 pour la réalisation d’une grande étude multicentrique sur plusieurs centaines de patients.

David Devos et al, Targeting Chelatable Iron as a Therapeutic Modality in Parkinson’s Disease, Antioxidants & Redox Signaling, Volume 00, Numeber 00, 2013

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du Médecin: 9322