De notre correspondante
à New York
« EN EXPLOITANT ce que nous avons appris de la nature, nous avons développé une plate-forme technologique qui devrait jouer un rôle important dans la lutte contre la résistance grandissante aux antibiotiques », explique au « Quotidien » le Dr Jinzi J. Wu, vice-président de la compagnie biopharmaceutique PhageTech, basée à Montréal.
Au fil des milliards d'années d'évolution, les phages - ces virus ennemis mortels des bactéries - ont perfectionné leurs armes et développé des protéines uniques qui se fixent et inactivent des protéines clés dans leurs hôtes bactériens afin d'empêcher la croissance et la reproduction bactérienne au profit de la reproduction du phage. « Nous pensons que ces "points faibles" bactériens, identifiés par les phages, permettront de prospecter pour découvrir de nouvelles classes d'antibiotiques », déclare dans un communiqué le Dr Jing Liu, premier auteur du papier publié dans le journal « Nature Biotechnology ».
Staphylococcus aureus.
L'équipe canadienne a appliqué cette stratégie pour rechercher de nouvelles classes d'antibiotiques contre Staphylococcus aureus. Cette bactérie, on le sait, est une source majeure d'infections sévères chez les immunodéprimés et d'infections nosocomiales. Avec l'apparition de souches multirésistantes, en particulier à la methicilline et la vancomycine, il devient urgent de trouver de nouveaux antibiotiques.
Les chercheurs ont séquencé le génome de 26 phages de
S. aureus, en utilisant une stratégie génomique du phage à haut débit.
Ils ont ainsi identifié plus de trente nouvelles familles de protéines qui inhibent la croissance du S. aureus, lorsqu'elles sont exprimées dans la bactérie. Plusieurs de ces protéines de phage se attaquent des cibles essentielles pour la réplication ou la transcription de l'ADN bactérien. Ainsi, quatre protéines du mécanisme de réplication de l'ADN du
S. aureus, dont la DnaI, sont ciblées par sept protéines de phages non apparentées. « Malgré de nombreuses cibles protéiques potentielles dans la voie de réplication de l'ADN, seules les topoisomérases sont actuellement ciblées par les antibiotiques disponibles », remarquent les chercheurs. « Notre approche nous permet d'identifier les protéines bactériennes prioritaires, comme la DnaI, qui ne sont pas des cibles poursuivies actuellement par l'industrie pour le développement d'antibiotiques. »
Enfin, l'équipe a dépisté parmi des centaines de milliers de molécules chimiques, des inhibiteurs de l'interaction entre la protéine de phage et la DnaI de S. aureus. Ils ont ainsi découvert plusieurs nouveaux candidats antibiotiques qui inhibent la croissance bactérienne et la synthèse d'ADN.
Des cibles validées.
« Cette nouvelle approche pour la découverte d'agents antimicrobiens offre plusieurs avantages », souligne le Dr Jinzi Wu dans un communiqué. « Premièrement, les cibles bactériennes identifiées de cette façon sont validées par l'évolution comme étant importantes pour la croissance bactérienne et sont sensibles potentiellement à l'inactivation par des petites molécules médicamenteuses ; cela nous permet d'identifier rapidement les cibles antimicrobiennes les plus prometteuses parmi des milliers de candidats possibles. Deuxièmement, cette approche fournit une méthode de dépistage prête à l'emploi basée sur l'inhibition des interactions entre un peptide de phage et sa cible bactérienne. »
L'équipe projette maintenant de démontrer l'efficacité in vivo des candidats antibiotiques, d'abord dans des modèles animaux, puis chez l'homme.
La compagnie PhageTech étend aussi sa plate-forme de génomique du phage à d'autres bactéries, dont le Streptococcus pneumoniae et le Pseudomonas aeruginosa.
« Nature Biotechnology », 11 janvier 2004, http://www.nature.com/naturebiotechnology> DOI: 10.1038/nbt932,
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