Démarche
La démarche diagnostique répondra aux objectifs du médecin consulté - éliminer une urgence chirurgicale, localiser la grossesse et en préciser le caractère évolutif - et à ceux de la patiente, souvent en situation de stress émotionnel, voulant être rassurée sur la grossesse en cours ( « Est-ce que tout va bien, docteur ?... Et le "bébé" ? »), et être soulagée.
Cette démarche sera centrée sur la recherche d'une étiologie :
- liée à la grossesse en cours : grossesse extra-utérine (GEU) et accidents du début de grossesse en cas de grossesse intra-utérine (« menace » d'avortement, rupture d'un corps jaune kystique principalement) ;
- cause gynécologique associée à la grossesse : masse annexielle et ses complications (torsion d'annexe, syndrome hémorragique intrapéritonéal après rupture de kyste), fibrome utérin compliqué ;
- cause extragynécologique : digestive (appendicite, sigmoïdite, pathologie vésiculaire, hernie étranglée, syndrome occlusif, atteinte pancréatique) ; urinaire (infection, lithiase) ; vasculaire (thrombose pelvienne, dissection aortique...).
- cause « fonctionnelle » qui restera un diagnostic d'élimination.
La démarche diagnostique comporte plusieurs étapes.
1) Un examen clinique, toujours :
- l'interrogatoire est une étape fondamentale qui doit recueillir l'âge de la grossesse, les caractéristiques de la douleur et surtout l'existence des signes associés : métrorragie, signes généraux, signes de voisinage (urinaire, digestif), éléments en faveur d'un hémopéritoine (malaise, scapulalgie) ;
- l'examen clinique : quelques gestes simples suffisent pour avoir une orientation de départ :
• la recherche d'une hyperthermie est capitale ;
• le palper abdominal avec la recherche d'un ventre chirurgical ;
• la pose d'un spéculum permet d'objectiver d'éventuels saignements ; le toucher vaginal précise la taille de l'utérus, la notion de douleur et/ou de masse latéro-utérine ;
• la réalisation d'une bandelette urinaire termine cette étape clinique.
2) Une échographie abdomino-pelvienne, très souvent :
elle sera d'autant plus nécessaire que l'on se situe tôt dans la grossesse. Ses objectifs sont multiples : localiser la grossesse, en préciser le caractère évolutif dès la 6e SA (semaines d'aménorrhée) et rechercher une cause annexielle ou utérine.
3) Des examens biologiques parfois :
le recours aux dosages plasmatiques de bêta-HCG en cas de suspicion de GEU et la recherche d'éléments d'orientation d'ordre infectieux en cas d'hyperthermie (NFS, protéine C réactive, ECBU...) seront parfois nécessaires.
4) Des examens orientés rarement :
ils relèvent habituellement d'une prise en charge hospitalière après avis spécialisé soit devant une orientation étiologique particulière (pathologie pancréatique...), soit devant un doute diagnostique dans un contexte de ventre chirurgical : laparoscopie.
Etiologies
A. Les causes liées à la grossesse en cours
1) La grossesse extra-utérine (GEU).
De par sa fréquence et sa gravité potentielle, elle reste l'un des principaux diagnostics à éliminer en cas de douleurs abdominales en début de grossesse, même en l'absence de métrorragies.
L'échographie pelvienne est une aide indispensable et la cinétique des bêta HCG est parfois utile, surtout en cas de forme à minima.
2) Accidents de début de grossesse :
- avortement spontané : dans sa forme typique, il s'agit de douleurs pelviennes parfois violentes à type de contraction utérine associées à des métrorragies de sang rouge parfois abondantes. Certaines formes sont plus frustres, avec métrorragies modérées, voire absentes ;
- les menaces de FCS : la douleur passe au second plan, derrière les métrorragies ;
- la rupture de corps jaune dans sa forme kystique est responsable d'une hémorragie intrapéritonéale. La douleur, de début souvent brutal, est le maître symptôme de cette pathologie.
On retrouve parfois des signes cliniques d'hémopéritoine (scapulalgie).
Le toucher vaginal retrouve essentiellement une douleur du cul de sac de Douglas.
Dans tous ces cas, le diagnostic repose sur l'échographie.
B. Les causes gynécologiques
1) Kyste de l'ovaire et grossesse.
Présent chez 5 à 15 % des femmes lors de l'échographie du premier trimestre, le kyste est le plus souvent de nature fonctionnelle (kyste lutéal), bénin, asymptomatique et ne nécessitant aucune prise en charge particulière.
Seules les complications des kystes peuvent être responsables de douleurs pelviennes. Elles sont rares :
- hémorragie intrakystique : syndrome douloureux latéralisé de début brutal, avec une échographie confirmant la localisation intra-utérine de la grossesse, son évolutivité et retrouvant un kyste remanié ;
- la rupture de kyste : donne un tableau d'abdomen aigu ;
- la torsion d'annexe : parfois précédée d'épisodes douloureux spontanément résolutifs, elle est à l'origine d'un syndrome douloureux abdominal aigu fréquemment associé à des signes digestifs (nausées, vomissements).
Abstention, ponction échoguidée et abord chirurgical sont les grands axes thérapeutiques de ces kystes ovariens compliqués.
2) Fibromes et grossesse.
Associés dans 1 à 7 % des grossesses, ils n'auront le plus souvent aucune répercussion notable, mais des complications sont possibles : nécrobiose aseptique d'un myome interstitiel ou torsion d'un myome sous-séreux pédiculé.
La douleur est alors au premier plan, souvent de début brutal, et parfois associée à des signes généraux discrets (fébricule), des nausées, une défense abdominale avec douleur exquise du fibrome nécrobiosé. L'échographie fera le diagnostic.
C. Les causes extragynécologiques
Elles seront dominées par la recherche d'une urgence chirurgicale ou d'une pathologie organique potentiellement grave.
1) Urgences digestives
- Appendicite aiguë. Elle survient dans 0,15 à 2/1 000 grossesses, avec une incidence identique pour les trois trimestres.
Au premier trimestre, la symptomatologie diffère peu de celle survenant en dehors de la gestation.
- Occlusion intestinale. Survenant le plus souvent sur bride chez une femme aux antécédents de chirurgie abdominale.
Les étranglements herniaires sont plus rares, le volume utérin refoulant les anses digestives de la paroi abdominale.
Les signes cardinaux restent classiques.
Un ou deux clichés d'abdomen sans préparation seront tolérés en cas de suspicion clinique franche, malgré l'état de grossesse.
- Pancréatite aiguë et lithiase vésiculaire sont rares pendant la grossesse en particulier au début.
2) Urgences urologiques
Cystites, fréquentes chez la femme enceinte et coliques néphrétiques fébriles sont des diagnostics possibles de douleurs que l'ECBU et l'échographie des voies urinaires rapportent généralement facilement à leur causes.
D. Les causes « fonctionnelles »
Les femmes enceintes ont souvent des douleurs diverses peu importantes mais qui, du fait de la grossesse, sont objet d'inquiétude et de consultation. Très souvent, à l'issue de sa démarche diagnostique, le praticien se retrouvera face à :
- une douleur abdomino-pelvienne non fébrile, isolée ;
- d'intensité en règle modérée, souvent calmée par le repos ;
- un abdomen souple ;
- un col fermé ;
- une grossesse intra-utérine évolutive ;
- l'absence d'orientation vers une autre étiologie.
Ce tableau n'est pas sans rappeler le classique syndrome de Lacomme (communément dénommé douleurs ligamentaires) rencontré aux 2e et 3e trimestres.
Il est sans gravité et le plus important sera alors de savoir rassurer la patiente, ce qui contribue grandement à éviter toute prise médicamenteuse.
Conclusion
La recherche étiologique devant une douleur abdomino-pelvienne en début de grossesse réclame une démarche rigoureuse à l'issue de laquelle il faudra savoir soit orienter la patiente vers un avis spécialisé, soit la rassurer la plupart du temps.
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