De notre correspondant
S ANS remettre en cause le modèle espagnol instauré en 1984, nombreuses sont les voix qui s'élèvent, depuis quelques semaines, pour dénoncer la pression qui pèse sur les médecins généralistes espagnols, fonctionnaires du système public de santé.
Stakhanovistes de la consultation médicale, puisque certains d'entre eux reçoivent plus de quarante patients en moins de 4 h 30, leur mécontentement s'exprime à travers une revendication simple : pouvoir consacrer un minimum de dix minutes à chaque patient. Aujourd'hui, selon les statistiques officielles, la durée moyenne de la consultation dans certains quartiers populaires de Madrid ne dépasse pas cinq minutes.
Une bureaucratie excessive
Pour le Dr Antonio Rivas, secrétaire général du Syndicat de médecins de Madrid et président régional du secteur santé du CSI-CSIF (confédération syndicale indépendante regroupant principalement des fonctionnaires), il ne s'agit pas seulement d'un problème de temps. « Les généralistes, dans le système de santé de la Sécurité sociale, sont le passage obligatoire pour accéder aux spécialistes et à l'hôpital, souligne-t-il. Or, les inconvénients liés au système, au lieu d'être pris en compte par l'administration, n'ont fait que s'accroître au cours des dernières années, et la situation actuelle est inextricable, à cause d'une bureaucratie excessive et d'une gestion incohérente. »
La responsable des problèmes de santé, au sein de l'Union générale des travailleurs, Emilia Ojeda, relève les mêmes difficultés qu'Antonio Rivas. « Les tâches bureaucratiques occupent parfois jusqu'à 40 % de l'activité de ces médecins », affirme-t-elle, avant d'insister sur le manque d'efficacité résultant de cette dérive. Ainsi, comme le confirme un récent rapport de l'Insalud - l'organisme officiel qui s'occupe de la santé dans le cadre du système de Sécurité sociale -, les dépenses résultant des arrêts maladie ne cessent de s'accroître, malgré une augmentation théorique du rôle du généraliste dans ce domaine.
Embauches necessaires
« Le médecin ne reçoit pas à temps les résultats des examens réclamés aux spécialistes, ce qui retarde inutilement la fin de l'arrêt maladie », confirme le Dr Rivas. Et les médecins ont accueilli avec scepticisme l'instauration, annoncée au début du mois d'avril, d'une incitation financière aux médecins pour mieux gérer les arrêts maladie.
« De plus, continue le Dr Rivas, comment voulez-vous que la gestion du système s'améliore quand, au niveau de l'administration, les responsables des généralistes, des spécialistes et des hôpitaux ne sont pas les mêmes ? Il faudrait renforcer la cohérence et l'unité du système en nommant un responsable unique pour les différents échelons. »
La revendication d'un minimum de dix minutes pour chaque patient semble être avant tout révélatrice du malaise latent existant chez les généralistes espagnols. Et toutes les organisations professionnelles et syndicales concernées s'accordent à réclamer, outre une meilleure gestion, une réduction à 1 200 du nombre de personnes dont chaque généraliste est censé s'occuper (ce nombre peut atteindre actuellement de 1 800 à 2 000, selon les zones), avec les embauches de médecins que cela entraînerait.
La ministre espagnole de la Santé, Celia Villalobos, a répondu à ce malaise devant les députés, affirmant « qu'il y a seulement un problème conjoncturel. Il n'y a pas de relation directe entre le nombre de personnes assignées aux médecins et la durée des consultations ». Selon Celia Villalobos, c'est un problème d'organisation de chaque centre de santé. « Des mots, mais aucune solution effective », rétorque le Dr Rivas.
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