Des infections en hausse et de plus en plus résistantes

Les gonocoques résistants aux antibiotiques inquiètent l'OMS

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Publié le 10/07/2017
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Selon les dernières données du programme de surveillance globale des gonorrhées résistantes aux antimicrobiens de l'OMS, 97 % des 77 pays participant rapportent des gonorrhées causées par des souches de Neisseria gonorrhoeae résistantes à la ciprofloxacine.

Par ailleurs, 81 % des pays détectent des Neisseria gonorrhoeae résistantes à l'azithromycine, et la résistance au céfixime ou à la ceftriaxone injectable est désormais signalée dans 66 % des pays membres, contre seulement 5 % en 2009.

Selon le Dr Teodora Wi, épidémiologiste de l'OMS, « quand nous avons commencé notre surveillance, en 2009, il y avait très peu d'isolats résistants à l'azithromycine, alors que cette résistance est devenue commune, explique-t-elle. Nous pensons qu'il ne s'agit que de la partie émergente de l'iceberg, compte tenu de l'état encore très imparfait de la surveillance. »

Ce constat avait déjà poussé l'OMS à modifier ses recommandations en 2016, et à préconiser l'utilisation conjointe de 2 antibiotiques : la ceftriaxone et l'azithromycine. Dans les pays dotés de bons systèmes de surveillance, on observe l'apparition de Neisseria gonorrhoeae résistantes à cette association.

Renforcer la surveillance

L'OMS formule plusieurs recommandations « Il faut que les pays se dotent des réseaux de surveillance capables de nous renseigner sur l'étendue du phénomène, afin de nous aider à affiner nos recommandations », indique le Dr Wi.

L'organisation demande aussi que l'on renforce la prévention des transmissions, ce qui passe par l'amélioration des diagnostics, et la mise au point de tests capables de détecter les résistances. « Nous avons besoin de nouvelles molécules, de nouveaux traitements, et d'un vaccin », ajoute le Dr Manica Balasegaram, directeur du partenariat global de développement et de recherche sur les antibiotiques (GARDP).

Seulement 3 antibiotiques figurent dans les pipelines des laboratoires : la solithromycine, la zoliflodacine et la gepotidacine. « Rien n'indique que ces candidats soient spécifiquement efficaces contre les Neisseria gonorrhoeae, s'inquiète le Dr Balasegaram, et il va falloir travailler pour rendre ces molécules opérationnelles grâce à la mise au point de combinaisons. »

Une infection tout sauf anodine

« Tous les ans, 78 millions de personnes sont infectées par une gonorrhée», résume le Dr Teodora Wi, qui constate « que la plupart des études nationales font état d'une augmentation du nombre d'infections ». En France, le nombre de gonococcies a doublé en 3 ans.

L'infection est asymptomatique chez environ 40 % des hommes et 80 % des femmes. L'indisponibilité des tests diagnostic dans les pays à faible revenu fait que, selon l'OMS, la plupart des patients n'y sont pas traités. « Les femmes et les hommes non traités ont un risque important d'infertilité, rappelle le Dr Wi, de même qu'un risque d'inflammation du système reproducteur ou du pelvis, sans parler du risque de grossesse ectopique. »

Les résultats complets ont été publiés dans un supplément spécial de « PLOS Médicine », en ouverture du congrès mondial sur les IST et le VIH qui se tient du 9 au 12 juillet à Rio de Janeiro.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9596