PENDANT TOUTE LA SEMAINE écoulée, on a assisté à une sorte de match entre Nicolas Sarkozy et une partie de la droite au sujet des diverses prises de position du président de l’UMP. Cette contestation interne s’est ajoutée à une offensive de la gauche, indignée, dit-elle, par le voyage que le ministre de l’Intérieur a fait aux Etats-Unis, où il a rencontré le président George Bush.
Les socialistes reprochent au ministre de s’être rendu à Washington aux frais du contribuable, alors qu’il est en campagne électorale et qu’il porte volontiers ses deux casquettes à la fois.
Cette offensive, qui n’a pas vraiment retenu l’attention de l’opinion, est quelque peu mesquine dans la mesure où les précédents ne manquent pas de dirigeants politiques de gauche qui ont voyagé aux frais de l’Etat pendant les campagnes électorales. On pourrait ajouter que, même dans ce pays plutôt antiaméricain, il vaut mieux serrer la main de Bush que celle d’Amadinejhad, comme l’a fait Jack Lang tout récemment. Il est vrai que M. Lang a moins de chances d’être élu président que M. Sarkozy, lequel aurait perdu un atout en répétant aux Américains que les Français les aiment. Enfin, la qualité plus que médiocre des invectives ( «Un chiot devant son maître», a dit Henri Emmanuelli à propos de la rencontre à la Maison Blanche) ne peut que rendre M. Sarkozy plus sympathique.
Le chef de l’UMP aurait également commis une erreur « monumentale » en insistant sur sa théorie de la rupture, alors que les Français (trop de personnes s’arrogent la fonction de porte-parole du peuple) jugeraient que le mot lui seul est un repoussoir.
Et voilà le Premier ministre qui, tout à coup, se met à prendre le contrepied systématique de tout ce que dit M. Sarkozy : pas question de rupture, parlons plutôt d’un prudent changement ; pas question de supprimer la carte scolaire, ni même de l’amender, comme le suggère M. Sarkozy ; pas question de toucher aux régimes spéciaux de retraites comme l’a annoncé François Fillon, ancien ministre, actuel sénateur et conseiller de M. Sarkozy.
LES BAROUDS D'HONNEUR NE POURRONT QU'AFFAIBLIR LES DEUX CAMPS
Vive inimitié.
Si le spectre de Clearstream s’est provisoirement éloigné, l’inimitié entre le Premier ministre et le président de l’UMP n’a jamais été aussi vive ; elle porte sur le fond, sur d’importantes questions de société ; elle indique en outre que le chef du gouvernement n’a pas renoncé à être candidat. Sans doute est-il encouragé par des sondages selon lesquels sa cote de popularité, sans rejoindre celle de M. Sarkozy, se relève. Tout observateur neutre dirait que M. de Villepin a encore un long chemin à parcourir, mais à coeur vaillant, rien d’impossible. Il est cependant plus probable que, dans son effort laborieux pour s’insérer dans le jeu électoral, Dominique de Villepin, qui revient du CPE, c’est-à-dire de très loin, réussira davantage à affaiblir M. Sarkozy qu’il ne s’imposera comme le candidat unique de la droite. Bien entendu, rien n’empêche le ministre de l’Intérieur de faire quelques déclarations de trop qui le torpilleraient, mais c’est un homme qui assume ses propos, et même ceux de ses amis, puisqu’il a confirmé que, s’il est président, les régimes spéciaux de retraite seront réformés. Nous voilà dans un joli cas de figure, où M. de Villepin semble nous indiquer la politique qu’il n’aura pas l’occasion de faire et M. Sarkozy nous énoncer celle qu’il fera presque sûrement.
Sur ce fond de polémique perpétuelle et grinçante quand les attaques prennent l’allure d’une curée (M. Sarkozy attire sur sa personne un tir de barrage forcené), la presse ajoute son grain de sel en contestant ses propres sondages qui, pour le moment, seraient bien incapables de prédire le résultat final.
L’heure de vérité.
C’est un encouragement inespéré pour tous les candidats potentiels qui ne semblent pas faire le poids et laissent entendre qu’ils attendent l’heure de vérité, celle où ils apparaîtront comme les vrais favoris des Français. A gauche, Lionel Jospin semble croire encore à son étoile, qui insinue plus qu’il ne dit et attend, non sans un peu de prétention, qu’on l’appelle à accomplir un devoir dont il s’est lui-même déchargé il y a cinq ans. Si, au terme de ses hésitations, il finit par se déclarer candidat, il ne rendra pas nécessairement service à son camp : la gauche a, l’an prochain, une chance très sérieuse de l’emporter, mais elle n’y parviendra pas si elle oppose au tout-puissant Sarkozy un éléphant nain.
Et il en va de même de la droite qui signera son acte de décès si elle choisit un autre que Sarkozy face à la déferlante Royal.
Au-delà des considérations de nos meilleurs spécialistes, il nous semble que les scrutins de l’an prochain sont plus « historiques » que les précédents ; que, pour la première fois, le bipolarisme commence à s’estomper, ce qui, de notre point de vue, témoigne d’une certaine maturité populaire ; que des électeurs de droite vont voter à gauche et vice versa, et enfin que le débat, qui porte sur l’impératif catégorique qu’est la modernisation de notre société, entre peu à peu dans les esprits.
Finalement, quelque chose bouge ; et ce mouvement, on le doit à Ségolène Royal et à Nicolas Sarkozy.
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