MUNICIPALES 2001
H ISTORIQUEMENT, l'un des textes fondamentaux de la définition du service public français concerne les maires et la santé. Cela s'apprend dans les écoles où l'on forme les attachés territoriaux : à la fin du XIXe siècle, un arrêté a enjoint aux communes de procéder au ramassage des carcasses d'animaux.
Un siècle plus tard, on ne s'est pas beaucoup éloigné des « carcasses ». Très réduites au regard de ce que, la décentralisation aidant, elles ont pu devenir sur d'autres dossiers, les attributions des maires dans le domaine sanitaire relèvent presque exclusivement de la « salubrité publique ».
L'eau, l'insalubrité, les épidémies, l'alimentation
Dans le cadre de leurs pouvoirs de police, les maires sont chargés, pour tout ce qui touche à la sauvegarde de la santé et de l'hygiène, d'appliquer la réglementation. Une réglementation établie pour l'essentiel assez loin de la commune. Par le département parfois, bien plus souvent par le gouvernement, voire par l'Europe.
En gros, le maire est chargé de veiller au grain dans quatre domaines. Celui de l'eau tout d'abord, qu'il s'agisse des eaux destinées à la consommation d'une part ou des ruisseaux, rivières, mares et eaux stagnantes, d'autre part. La commune doit garantir l'assainissement des secondes, vérifier la qualité des premières. Le maire peut être pénalement poursuivi si les prescriptions sanitaires relatives au réseau d'eau potable ne sont pas respectées, y compris quand ce réseau est confié à une société gérante. Un autre devoir du maire concerne la salubrité des habitations : en cas de constat d'insalubrité d'un immeuble, le maire doit prendre un arrêté enjoignant au propriétaire de revenir à la normale.
La désinfection, en cas d'épidémies ou d'épizootie, est également du ressort du maire. Sur ce chapitre, le Code des communes et le Code général des collectivités territoriales confient au maire « le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature telles que les épidémies épidémiques ou contagieuses ». Si survient une épidémie, il appartient au maire de prendre contact avec les médecins qui interviennent dans sa commune, de déterminer avec eux la gravité et le nombre de cas de maladies relevés, puis d'alerter le médecin inspecteur départemental. La réglementation prévoit que la commune procède à la « désinfection finale » de locaux dans le cas de trois maladies : le choléra, la variole, les fièvres hémorragiques.
Une étroite marge de manoeuvre
Pour les épizooties, le maire est chargé de s'assurer que les animaux atteints sont maintenus isolés. Preuve des limites de la marge de manuvre laissée aux maires en matière sanitaire : le cas particulier de l'hygiène en milieu scolaire. Si le maire doit donner son avis sur les dispositions à mettre en uvre en cas d'épidémie, il ne peut pas fermer une école de sa propre initiative.
Garant de l'hygiène de l'alimentation de ses administrés, le maire doit enfin assurer le suivi scrupuleux des règles dans les cantines scolaires et les restaurants collectifs. En cas d'intoxication d'origine alimentaire, c'est lui qui ordonne toute mesure conservatoire (conservation des denrées suspectes, interruption du service... et même, s'il y a urgence, fermeture provisoire d'un commerce privé) et qui alerte les autorités départementales compétentes.
Découlent également du pouvoir de police des maires, leurs responsabilités en matière d'internement des aliénés et des malades mentaux. La commune doit « prendre provisoirement les mesures nécessaires contre les aliénés dont l'état pourrait compromettre la morale publique, la sécurité des personnes, la conservation des propriétés ».
Hôpital :
1 maire sur 36 concerné
Pour le reste, la grande chasse gardée du maire dans le domaine sanitaire reste, depuis 1976, la présidence du conseil d'administration de l'hôpital de la commune, quand cet hôpital existe. Régulièrement remise en question au nom de la partialité des maires - l'hôpital est souvent le plus gros employeur de la ville -, cette disposition a subi une très légère modification depuis les dernières municipales. Après avoir annoncé son intention de remettre en cause la présidence de droit des conseils d'administration des hôpitaux, Alain Juppé, dans son « plan » d'avril 1996, a donné aux maires la possibilité de déléguer leur siège à un autre élu local ou à une « personnalité qualifiée ». La révolution n'a pas eu lieu. Les maires continuent de descendre dans la rue quand leur hôpital est menacé de fermeture, à faire jouer leurs réseaux politiques pour sauver un service... Dans les faits, leur marge de manuvre hospitalière est loin d'être illimitée : elle cohabite avec celle du directeur de l'établissement, s'inscrit dans le cadre que veut bien lui donner l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH). Et puis, toutes proportions gardées - un millier d'hôpitaux publics pour 36 000 communes -, il n'est pas si fréquent pour un maire d'avoir un siège de président à occuper.
Présidant une fois sur trente-six aux destinées d'un hôpital, chargé de missions restreintes dans le champ de la santé, les maires peuvent faire le choix de politiques sanitaires volontaristes. En créant des structures spécifiques dans le cadre de leurs missions sociales (des centres de prévention ou, voir encadré, des centres de santé). Et surtout en subventionnant des associations. Dans tous les cas, c'est la commune qui décide d'assumer des charges qui ne lui incombent pas.
Ce n'est certainement pas l'étendue des attributions sanitaires des municipalités qui pousse les professionnels de la santé en général et les médecins en particulier à briguer des mandats de premier magistrat. Pourtant, près de 600 des 36 496 communes de l'Hexagone, soit 1,6 % d'entre elles, ont aujourd'hui un maire médecin (561 maires sont médecins, 23 sont chirurgiens). En outre, 157 pharmaciens, 98 vétérinaires, 77 dentistes et 6 sages-femmes portent l'écharpe tricolore. S'il n'existe pas de statistiques précises sur la taille des communes gérées par les maires médecins, on estime qu'il s'agit plutôt de petites communes. Parce que la notoriété du médecin y est plus forte que dans une grosse agglomération. Parce que ses tâches municipales permettent au maire de continuer à exercer la médecine, ce qui est quasiment impossible dans une grande ville. Beaucoup moins bien représentés comme pilotes des mairies de l'Hexagone que d'autres catégories socioprofessionnelles (deux maires sur trois cents sont médecins, un maire sur cinq est agriculteur !), les médecins sont aussi à ce poste sur une pente descendante : en 1977, ils étaient près de 670 ; en 1994, ils étaient 608 ; aujourd'hui, ils sont 584. Les résultats de mars prochain diront si la veine s'épuise encore.
150 centres de santé municipaux
Il existe en France, principalement en banlieue parisienne, 150 centres de santé municipaux (s'y ajoutent une soixantaine de centres municipaux exclusivement infirmiers et exclusivement dentaires).
Pour la majorité d'entre elles, ces structures - qui sont souvent devenues en volume les premiers services publics de leur ville - ont été ouvertes avant-guerre, à un moment où certaines communes manquaient de médecins. Aujourd'hui, même si, ainsi que l'explique le Dr Daniel Wizenberg, président de l'Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS), certaines municipalités songeraient, pour les mêmes raisons de désertification médicale, à se lancer dans l'aventure, aucune ne franchit le pas. Et si elles ne le font pas, c'est parce qu'un centre de santé « coûte cher », assène le Dr Alain Tyrode, qui dirige le centre hospitalier (municipal) de Gennevilliers, dans les Hauts-de-Seine. Chez lui, l'aide de la commune représente 17 % du chiffre d'affaires (le reste étant pris en charge par l'assurance-maladie et grâce à d'autres subventions). Et l'argent ne suffit pas, il faut aussi suivre de très près l'activité du centre. «Si on ne s'en occupe pas avec le plus grand souci, le centre meurt. Il ferme très tôt parce que le personnel demande à quitter le travail à 17 heures, à l'heure où les gens peuvent venir consulter. C'est ce qui s'est passé à Paris où la municipalité a fini par liquider la plupart de ses centres», explique le Dr Wizenberg.
Trop de temps, trop d'argent, la tendance des maires désireux de satisfaire des besoins sanitaires de leurs administrés serait plutôt d'aider des centres proches de leur commune. C'est ce que fait, par exemple, la municipalité de Rueil-Malmaison, qui a partiellement financé la création d'un espace dédié aux jeunes dans le centre de santé d'une ville voisine.
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