11° Journées européennes de la Société Française de Cardiologie à Paris

Les micro-embolisations expliqueraient le rôle de inflammation dans la dysfonction myocardique chronique

Publié le 15/02/2001
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D EPUIS quelques années, des données attirent l'attention des cardiologues sur l'importance du phénomène d'embolisation dans la maladie coronaire, en particulier dans des formes aiguës. Pour la première fois, le Pr R. Erbel (Essen, Allemagne) au cours d'une intervention élégante et convaincante, sous la présidence du Pr Philippe-Gabriel Steg a présenté une synthèse des données anatomopathologiques, cliniques, expérimentales, en faveur du rôle de l'embolisation dans l'évolution chronique de la maladie athéromateuse.

Certains phénomènes sont bien établis. On sait déjà que la thrombose des lésions athéromateuses est à l'origine d'accidents coronaires aigus dus à une rupture de la plaque.
Par ailleurs, au cours de l'angioplastie coronaire, une partie du matériel athéromateux comprimé par un ballon d'angioplastie ou par une endoprothèse de type stent peut emboliser alors que, pendant longtemps, on a pensé que ce matériel était refoulé vers la paroi vasculaire.
La démonstration a d'ailleurs été faite par la mise en place d'un système de filtration en aval des lésions dilatées, permettant de récupérer le matériel athéromateux (cristaux de cholestérol). La cardiologie interventionnelle, a fortiori sur une plaque instable, entraîne un risque de micro-embolies ; c'est, d'une certaine façon, le prix à payer pour la revascularisation myocardique.

Une corrélation parfaite

L'échographie endocoronaire permet de visualiser les lésions ulcérées, source d'embolies, phénomène bien corrélé à l'évolution aiguë de la maladie coronaire.
Toutefois, sur des séries de patients qui ont été traités par angioplastie coronaire, avec ou sans endoprothèse ou rotablator (le rotablator est plus emboligène que le stent lui même plus emboligène que le ballon), on retrouve une corrélation parfaite entre les signes croissants d'embolisation comme l'élévation des marqueurs biochimiques, troponine et/ou CPK, donnant la preuve de micro-infarctus en aval de la lésion dilatée.
De plus, la mesure de la réserve endocoronaire, signe de dysfonction de la microcirculation en aval, est très perturbée. L'altération de la réserve coronaire est plus importante chez les patients qui ont plus d'embolies et une plus forte altération des paramètres biochimiques. Et la relation est double.

La discordance perfusion-contraction

Le Pr Erbel devient particulièrement convaincant et novateur lorsqu'il présente un modèle expérimental de micro-embolisation sur lequel il démontre une dissociation entre la contraction et la perfusion myocardique. Contrairement à ce qui est classiquement observé, c'est-à-dire une relation linéaire entre la perfusion et la cinétique segmentaire, les micro-embolies altèrent fortement la contraction alors que les débits sanguins sont maintenus.
Cette discordance est en grande partie liée aux phénomènes inflammatoires réactionnels aux micro-embolies alors que, depuis de nombreuses années, on pense que l'inflammation n'est due qu'à l'athérosclérose et explique les ruptures de plaques.
Le Pr Erbel propose en effet une interprétation nouvelle du rôle des micro-embolies dans la maladie coronaire : c'est parce qu'il y a un phénomène aigu qu'il y a des micro-embolisations entraînant une inflammation dont le rôle apparaît très important dans la dysfonction myocardique segmentaire de l'ischémique chronique.
Cela explique l'évolution défavorable de certains coronariens qui ne font pas d'infarctus ou d'épisodes aigus avérés mais présentent une altération chronique et progressive de la cinétique ventriculaire gauche, très certainement liées à des micro-embolies passant inaperçues.

Les anti-inflammatoires

Les deux grandes voies thérapeutiques vers lesquelles on s'oriente sont, d'une part, les systèmes de filtration implantés en aval des lésions dilatées qui pourraient récupérer le matériel athéromateux et/ou thrombotique. Ils sont encore fastidieux à utiliser et rendent le geste plus long et plus complexe. Leur succès reste incertain, hormis dans certaines indications très particulières comme les greffons veineux saphènes.
D'autre part, l'autre grande voie est représentée par les traitements pharmacologiques, notamment les anti-GPIIb-IIIa qui empêchent l'agrégation plaquettaire au contact de ces microparticules.
Enfin, les anti-inflammatoires, anti-TNF alpha ou corticoïdes, représenteraient une voie d'avenir puisque, sur le modèle expérimental, ils ont un effet favorable sur la contraction.

D'après une intervention du Pr E. Erbel (Essen, Allemagne) commentée par le Pr Philippe-Gabriel Steg (hôpital Bichat - Claude-Bernard, Paris).

Dr Anne TEYSSÉDOU

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6858