F RANC-TIREUR de la République, activiste infatigable et inlassable brasseur de réformes, Bernard Kouchner est donc de retour au gouvernement. Et, pour la troisième fois, il est chargé de la Santé, fonction qu'il a occupée, en tant que ministre, en 1992-1993, puis, en tant que secrétaire d'Etat, en 1998-1999. Il revient aux affaires de son séjour au Kosovo, où son bilan est jugé globalement positif et lui a valu quelques témoignages de reconnaissance.
Evoquée depuis plusieurs mois, annoncée comme quasi certaine depuis la fin de l'année, faisant l'objet de rumeurs aussitôt démenties avant d'être relancées, sa nomination s'explique par deux raisons. D'abord, sa disponibilité et son souci de se mettre à nouveau au service de la République . « J'ai envie de faire quelque chose pour mon pays, la France », a-t-il confié à LCI. Dans ces conditions, on voit mal pourquoi Lionel Jospin se serait privé des services de celui qui demeure la personnalité politique la plus populaire de France. D'autant plus - c'est la seconde raison - que l'actuelle titulaire du poste, Dominique Gillot, n'aurait pas convaincu. Cependant, Dominique Gillot a réussi à préserver ses fonctions au prix d'une modification de ses attributions, puisqu'elle perd la Santé, conserve les Handicapés et devient en plus chargée des Personnes âgées, dossier qui jusqu'alors dépendait directement d'Elisabeth Guigou.
Tractations
La nomination de Bernard Kouchner a donné lieu à d'intenses tractations. L'ex-haut représentant des Nations unies au Kosovo entendait bien avoir un ministère de plein exercice et, donc, ne dépendre de personne d'autre que de Lionel Jospin. Il souhaitait, d'autre part, s'il devait revenir au ministère de la Santé, avoir également la tutelle de l'Assurance-maladie. Depuis fort longtemps déjà, en fait, depuis 1993, Bernard Kouchner est convaincu qu'un ministre de la Santé ne peut mener à bien une politique efficace que s'il dispose des moyens financiers nécessaires à sa mise en œuvre, c'est-à-dire s'il contrôle l'assurance-maladie. Lors de son départ de l'avenue de Ségur, en mars 1993, il déclarait déjà : « Je préconise que le ministre de la Santé soit compétent pour l'ensemble des questions de santé, c'est-à-dire qu'il ait également la responsabilité de l'assurance-maladie, pour mettre fin à une dichotomie qui n'est satisfaisante ni pour les patients, ni pour les médecins, ni pour les finances publiques. »
Sur ces deux points, Bernard Kouchner n'a pas eu satisfaction. Il est, certes, ministre délégué - ce qui lui permet d'assister au conseil des ministres -, mais il n'est pas ministre de plein exercice. Elisabeth Guigou n'a pas voulu que son super-ministère, taillé sur mesure à l'origine pour Martine Aubry, soit amputé. Quant à la tutelle de l'Assurance-maladie, c'est Elisabeth Guigou qui la conservera, sous le regard sourcilleux de Laurent Fabius.
Deux personnalités marquées
Ce sont donc deux personnalités fortement marquées qui vont devoir coexister. Pour Elisabeth Guigou, Bernard Kouchner sera sans doute un partenaire moins facile, mais plus stimulant que Dominique Gillot. La ministre de l'Emploi et de la Solidarité sait qu'elle va devoir compter sur la pugnacité de Bernard Kouchner qui ne lâchera pas prise facilement lorsqu'il s'agira d'obtenir des arbitrages qui lui soient favorables. Il faudra attendre les jours qui viennent pour connaître plus précisément la répartition des rôles entre Elisabeth Guigou et Bernard Kouchner.
L'obsession de la sécurité sanitaire
Bernard Kouchner - qui a été reçu par Lionel Jospin sitôt après sa nomination - revient au gouvernement en pleine crise de la vache folle. Celui qui a fait de la sécurité sanitaire l'une de ses priorités (voir son bilan en page 4) va vraisemblablement jouer dans cette affaire un rôle plus marqué que celui tenu par Dominique Gillot. Sans doute va-t-on assister à un certain rééquilibrage des interventions gouvernementales jusque-là presque exclusivement assurées par Jean Glavany.
De même, le nouveau ministre aura-t-il à cœur de suivre la mise en place de l'Agence de sécurité sanitaire de l'environnement, dont la création est en discussion au Parlement.
Bernard Kouchner consacrera aussi son énergie à faire aboutir des dossiers sur lesquels il avait beaucoup travaillé lors de ses précédents passages avenue de Ségur. Les droits des malades, le libre accès des patients au dossier médical, l'indemnisation de l'aléa thérapeutique : autant de dispositions pour lesquelles il a milité avec ferveur, qui doivent figurer dans le projet de loi de modernisation sanitaire que le conseil des ministres va examiner prochainement. Un projet de loi que Bernard Kouchner suivra attentivement. Il en va de même des dossiers de la réforme des études médicales ou de la formation médicale continue.
Il reste à savoir quel sera le rôle de Bernard Kouchner dans la concertation sur la médecine de ville que vient de lancer Elisabeth Guigou. Le corps médical qui a parfois eu à l'égard du french doctor des sentiments mêlés, accueille en tout cas sa nomination plutôt favorablement. Il sait qu'il aura affaire à un interlocuteur pas toujours complaisant, mais attentif et maîtrisant bien les dossiers.
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