Les rumeurs sur le retour de Bernard Kouchner au gouvernement s'intensifient

Publié le 16/01/2001
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L A rumeur courait depuis quelque temps la capitale. Voici qu'elle enfle et prend corps : Bernard Kouchner sera bientôt de retour au gouvernement. Plusieurs éléments ont contribué ces derniers jours à l'accréditer.

Et d'abord une dépêche de l'AFP en date du 13 janvier.
« Bernard Kouchner qui a quitté, samedi, son poste d'administrateur de l'ONU au Kosovo occupera à nouveau une fonction ministérielle en France, a affirmé samedi un de ses proches collaborateurs au sein de la mission de l'ONU au Kosovo », indiquait l'AFP.
Quelques heures plus tard, Claude Bartolone, ministre délégué à la Ville et proche de Bernard Kouchner, déclare au micro de Radio J : « Lorsque l'on a quelqu'un qui a le talent de Bernard Kouchner, on ne peut pas le laisser sur le banc des remplaçants. »
A ces déclarations s'est ajouté l'hommage appuyé rendu à l'ancien chef de la mission des Nations unies au Kosovo par Lionel Jospin, pour qui Bernard Kouchner a « accompli un travail remarquable », avec des « résultats considérables » dus à ses « qualités personnelles exceptionnelles ». François Hollande, premier secrétaire du PS, enfonce le clou, en évoquant l'éventuel retour de Bernard Kouchner au gouvernement et en estimant qu' « il est normal qu'il redevienne ce qu'il a été ». Rappelons que le fondateur de MSF et de Médecins du Monde - qui est l'homme politique le plus apprécié des Français selon le baromètres IPSOS-Le Point, avec 66 % d'opinions favorables en décembre - a successivement occupé les fonctions de secrétaire d'Etat à l'Insertion sociale puis à l'Action humanitaire (1988-1992), ministre de la Santé et de l'Action humanitaire (1992-1993) et secrétaire d'Etat à la Santé et à l'Action sociale (1997-1999).

Le cas Gillot

Au-delà des déclarations, plusieurs éléments rendent vraisemblable le retour aux affaires du « gouverneur du Kosovo ». D'abord, le souhait de l'intéressé lui-même. Bernard Kouchner n'avait pas caché, dans un entretien avec « Paris Match », qu'il se verrait assez bien à la tête d'un ministère de la Santé et de l'Assurance-maladie. Et il aurait, récemment encore, fait savoir au Premier ministre qu'il serait disponible, une fois achevée sa mission au Kosovo, pour occuper une telle fonction.
Ensuite, les critiques régulièrement essuyées par Dominique Gillot plaident pour le remplacement de l'actuelle secrétaire d'Etat à la Santé et aux Handicapés. Ses déclarations mal venues sur le fait qu'il pourrait y avoir des dizaines de cas supplémentaires de maladies de Creutzfeldt-Jakob en France, déclarations faites le 7 novembre, alors que la polémique entre Lionel Jospin et Jacques Chirac sur la crise de la vache folle atteignait son paroxysme, avaient profondément irrité le Premier ministre.
« Le Parisien » avait alors annoncé, sans autre forme de procès, que Dominique Gillot allait être « virée ». Elle avait crié au complot, mais n'avait que de justesse sauvé son maroquin. Lionel Jospin n'avait sans doute pas voulu donner l'impression, en la remplaçant à chaud, qu'il cédait à la pression des événements et à la panique. Et il avait aussi, sans doute, préféré renoncer à un remaniement ministériel supplémentaire peu de temps après avoir remplacé Martine Aubry par Elisabeth Guigou. Alors qu'il savait bien qu'un autre réaménagement de son équipe s'imposerait après les municipales des 11 et 18 mars. Depuis Dominique Gillot n'a jamais, semble-t-il, réussi à remonter la pente et beaucoup estiment qu'elle est en sursis.

Arbitrage délicat

Si de plus en plus nombreuses sont les voix qui, à gauche, plaident pour un retour aux affaires du French Doctor, encore faut-il trouver un portefeuille qui satisfasse ses ambitions sans qu'aucun autre ministre de poids ne puisse en prendre ombrage.
Et c'est là que le bât blesse. Bernard Kouchner n'entend pas se contenter d'un simple secrétariat d'Etat. Il souhaite bien obtenir ce ministère de plein exercice, déjà évoqué dans « Paris Match » : celui de la Santé, de la Sécurité sanitaire et de l'Assurance-maladie. Un ministère qui échapperait à la coupe d'Elisabeth Guigou. Or la ministre de l'Emploi et de la Solidarité ne l'entend pas de cette oreille. Elle a beau être une amie de longue date, « pas tout à fait de trente ans », de Bernard Kouchner, elle peut bien déclarer sur Europe 1 qu'il serait « excellent qu'il puisse revenir au gouvernement » et qu'elle ne verrait « aucun inconvénient à ce qu'il travaille avec (elle)  », elle n'a aucune envie d'abandonner au gouverneur du Kosovo l'une des provinces de son empire social. Elisabeth Guigou s'est du reste déclarée hostile, dans un entretien avec « le Monde », à la création d'un ministère de la Santé autonome. D'ailleurs, les Premiers ministres, ces dernières années, ont tous choisi l'option d'un grand ministère des Affaires sociales regroupant l'Emploi, la Solidarité, la Sécurité sociale, la Santé. Seul Alain Juppé avait décidé, en mai 1995, de créer un ministère de la Santé et de l'Assurance-maladie confié à Elisabeth Hubert. Expérience qui ne dura pas plus longtemps que la carrière politique de celles que l'on surnommait les « jupettes », c'est-à-dire six mois.
Le monde de la santé, lassé d'être écartelé entre un ministère des Affaires sociales, qui a un pouvoir de décision, et un secrétariat d'Etat à la Santé, qui n'a qu'un pouvoir d'expertise, ne verrait pourtant pas d'un mauvais œil la constitution d'un ministère de la Santé et de l'Assurance-maladie. Hypothèse qui se heurte, il est vrai, à des difficultés techniques, l'assurance-maladie n'étant pas absolument indépendante des autres branches de la Sécurité sociale.
Lionel Jospin, sans doute soucieux de récupérer les compétences - et aussi la popularité - de Bernard Kouchner va se retrouver dans une situation délicate. Celle de devoir arbitrer entre deux ambitions. A moins que l'on ne trouve pour Bernard Kouchner un ministère taillé à sa mesure qui n'empiéterait pas sur celui d'Elisabeth Guigou. Une certitude s'impose en tout cas : le retour de Bernard Kouchner n'interviendra pas avant les municipales.

Bruno KELLER

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6836