L A mission de concertation sur l'évolution de la médecine de ville, qui se réunit aujourd'hui pour la deuxième fois, doit relever un premier défi de taille : celui de la crédibilité.
C'est en effet un paradoxe un peu cocasse, mais ce comité d'experts « officiel » dont les quatre membres (1) ont été désignés directement par Elisabeth Guigou, et dont le champ d'action est bien cadré par une lettre de mission gouvernementale, doit aujourd'hui trouver sa place dans le maquis des alliances syndicales et des fronts santé déjà constitués afin de réformer la médecine de ville (« le Quotidien » du 20 février). Pour le Dr Michel Chassang, président de l'Union nationale des omnipraticiens français (UNOF), le foisonnement actuel des concertations rend illisible la démarche lancée par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité à l'issue du « Grenelle de la santé » : « Aujourd'hui, estime-t-il, tout le monde se fiche de la mission de concertation du gouvernement. C'est un épiphénomène, puisque ça discute déjà de tous les côtés, et depuis longtemps. Ce qui est certain, c'est que cette mission ne répond pas à la problématique d'urgence qui est posée. »
Un jugement prématuré dans la mesure où le comité d'experts n'a finalisé ni sa méthode de travail, ni les thèmes « précis » qu'il examinera, ni son calendrier. Certains syndicats de professionnels de santé lui accordent d'ailleurs le bénéfice du doute. Pour le Dr Pierre Costes, président de MG-France, « les sages sont libres de leur méthode mais cela ne doit pas empêcher les professionnels de santé de prendre leurs responsabilités de leur côté, d'autant que le calendrier politique ne leur appartient pas ».« Au final, espère le Dr Costes , les travaux seront synergiques. »
Marge de manuvre faible
Seule certitude, la mission de concertation doit proposer des mesures consensuelles dans le domaine de la qualité des soins d'une part (urgences, partage de l'information, formation, évaluation des pratiques) et, d'autre part, du « contrat » qui lie les professionnels de santé libéraux à la collectivité (régulation du système, définition des missions des soignants, contenu de la convention médicale). Mais comme il n'y a aujourd'hui, pour les professionnels de santé libéraux, aucun autre point de mire que celui, jugé trop lointain, du prochain « Grenelle » prévu en juin, le temps qui passe est déjà le principal adversaire du comité d'experts, qui n'a pas commencé ses auditions.
« Nous devons aller vite » admet un des quatre sages, le Pr Bernard Glorion (voir ci-dessous). La majorité des représentants des médecins libéraux, échaudés par le refus d'Elisabeth Guigou d'accorder un moratoire immédiat sur le dispositif des lettres clés flottantes assimilé à des sanctions, exigent au minimum un train de réformes dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2002). Le calendrier est donc serré d'autant que, selon la CNAM, la tendance à la forte hausse des dépenses maladie, observée en 2000 (+ 6 %), ne semble pas s'infléchir en ce début d'année. L'hypothèse, même minime, de nouvelles décotes tarifaires, ne facilite pas non plus la négociation.
(1) Il s'agit du Pr Bernard Glorion (président du Conseil national de l'Ordre des médecins), de Bernard Brunhes (consultant), de Lise Rochaix (économiste de la santé) et de Stéphane Paul (inspecteur général des Affaires sociales).
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