LA SANTE EN LIBRAIRIE
E NTRE effacement devant le « tout-médicalisé » et engouement pour le tout-exotique, face au déferlement de « conseils et d'informations », la juste attitude vis-à-vis des petits enfants est parfois difficile à trouver pour les parents et pour les personnels de la petite enfance. Catherine Rollet et Marie-France Morel leur offrent de prendre un peu de distance en examinant comment « chaque aspect de la vie du tout-petit », de la conception au sevrage, est pris en charge et interprété, autrefois, ailleurs, aujourd'hui.
L'ailleurs comme l'autrefois sont de séduisantes occasions de voyages qui montrent l'incroyable diversité des coutumes. Le lecteur sourira sans doute en apprenant par exemple que les femmes enceintes des régions françaises estimaient attendre un garçon si la pièce qu'elles faisaient glisser entre leurs seins tombait du côté droit, tandis qu'au Vietnam, « le sexe du ftus était déduit du côté vers lequel (la mère) se retournait si on l'appelait brusquement par derrière ».
Le catalogue des interdits et des tabous qui entourent la naissance est impressionnant, tout comme la variété des systèmes imaginés pour porter le bébé ou l'aider dans son apprentissage de la marche.
Des corps fragiles à protéger
Mais le lecteur d'aujourd'hui risque aussi d'être bousculé dans ses certitudes d'Occidental médicalisé. Tout d'abord parce que, si les réponses sont différentes d'une société et d'un temps à l'autre, elles répondent aux mêmes préoccupations : il est toujours essentiel de protéger ces « deux corps fragiles » que sont la femme enceinte et le bébé, que ce soit par des amulettes ou par « un code sanitaire, éthique et esthétique, préventif et tératologique ». L'alimentation du nourrisson est partout considérée comme l'une des conditions d'une croissance harmonieuse, même si ses modalités sont contradictoires d'un lieu à un autre et d'une époque à l'autre. Que les mères allaitent ou confient leur enfant à une nourrice, qu'elles mâchent pour eux une bouillie ou qu'elles leur donnent du lait de vache, l'objectif reste, sauf exception, de permettre le développement d'un bel enfant en bonne santé. On peut bercer l'enfant ou interdire le bercement, l'emmailloter ou exiger la liberté de ses mouvements, le masser, le rudoyer, l'écarter de sa mère, lui faire passer plusieurs mois sur son dos, prêcher les vertus de la crasse protectrice ou celles de l'hygiène la plus stricte, laisser faire la nature en cas de maladie, la contrer par des prières ou des mélanges étonnants, l'intention qui préside au choix ne varie guère.
Puériculture médicalisée et pratiques symboliques
Ayant choisi de « traiter sur un même pied d'égalité les manières de faire occidentales, y compris les plus modernes, et les pratiques des sociétés exotiques », les auteurs risquent également de susciter un autre type de surprise chez leur lecteur, en l'obligeant à une « humilité » à laquelle « la puériculture médicalisée de nos pays, si conquérante depuis un siècle », l'avait peu habitué. Comme les auteurs le soulignent à la fin de leur ouvrage, il n'est pas sûr que l'accueil réservé à l'enfant-roi, rare, peu menacé dans son existence, dans nos régions, vaille toujours celui réservé à l'enfant dans certains des pays qui ont « les taux de mortalité infantile les plus élevés du monde »: Les premiers ont bien du mal à voir les limites d'une puériculture hygiéniste et médicalisée parfois à outrance et voguent d'une mode à l'autre en oubliant les erreurs du jour précédent ; pendant que les seconds ont, eux, bien du mal à appliquer les principes salvateurs de l'hygiène, mais cultivent des « pratiques symboliques de prévention et de protection » de grand intérêt pour l'épanouissement du tout-petit.
Pour les auteurs, de telles constatations sont autant d'invitations pour les mères et les professionnels de la petite enfance à se sentir plus libres dans leurs choix d'élevage et d'éducation.
« Des bébés et des hommes », Catherine Rollet et Marie-France Morel, Albin Michel, 384 pages, 140 F.
Les professionnels de la petite enfance en quête de reconnaissance
« Nous ne sommes reconnues ni par la hiérarchie ni par les familles, ce que nous faisons n'a guère de valeur, nous ne sommes bonnes qu'à torcher les gosses. » Les professionnelles de la petite enfance sont plus de 40 000 en France, répondant à des métiers diversifiés : puéricultrices, auxiliaires de puériculture, éducatrices de jeunes enfants. Elles ont dit à Didier-Luc Chaplain et à Marie-France Custos-Lucidi combien leur métier est peu reconnu et peu valorisé, et c'est un livre de combat qu'ont finalement écrit le psychologue et psychanalyste qui exerce depuis vingt ans en crèche et en protection maternelle et infantile, et la psychologue du travail, infirmière-puéricultrice de formation.
Métiers quasi réservés aux femmes, métiers de savoirs pratiques et non de savoirs scientifiques, les professions de la petite enfance sont en quête d'un nouveau regard et d'un statut qui corresponde à leurs responsabilités et aux nouvelles missions qui leur sont imparties. Les auteurs plaident donc pour une vaste réforme qui comporte notamment la mise en place des éléments d'une professionnalisation et un équilibrage entre les hommes et les femmes.
« Les métiers de la petite enfance », Didier-Luc Chaplain et Marie-France Custos-Lucidi,
Syros, 170 pages, 92 F.
La saison des guides maternels
C'est la saison du nouveau Laurence Pernoud : comme chaque année, celle-ci présente la dernière mouture des deux ouvrages qui, depuis les années soixante, servent de bible aux mères débutantes. Travaux d'équipe, « J'attends un enfant » et « J'élève mon enfant » (éditions Horay, 179 et 189 pages ; 479 et 501 pages) intègrent d'année en année de nouvelles données biologiques et médicales, mais aussi psychologiques, remettent à jour les renseignements pratiques et trouvent de nouvelles photos, toujours aussi charmantes, de mères et de bébés.
Laurence Pernoud a fait de si nombreux émules qu'il est bien impossible de les citer tous. Parmi les dernières parutions comptent notamment un nouvel ouvrage du Dr Julien Cohen-Solal, à l'intention des jeunes parents (« Tout va bien se passer », éditions Bayard ) ; la nouvelle édition du « Guide de la grossesse », du Pr Emile Papiernik (Réponses, Robert Laffont) ; la nouvelle édition également de « Une année dans la vie d'une femme », guide pour les futures mères, de Maïté Jacquet et Mathilde Nobécourt (Bibliothèque de la famille, Albin Michel) ; une édition de poche de « Questions au pédiatre », du Dr Antoine Galland (Marabout) ; plusieurs livres signés du Dr Edwige Antier ; l'édition 2001 des productions Hachette, « Attendre bébé » et « Elever bébé » (Christine Schulte, René Frydman et Marcel Rufo).
D'Angleterre parviennent des ouvrages souvent signés de non-médecins : une sage-femme, infirmière et journaliste médicale, June Thompson, évoque « Ma grossesse » ou « Mon bébé » (Solar), des psychologues proposent « Comprendre votre enfant de la naissance à trois ans » (Albin Michel) et c'est un collectif de médecins et de « spécialistes de l'enfance » qui signe la nouvelle édition d'un « Guide santé de votre enfant » (Solar famille). Les non-spécialistes ne sont pas en reste : c'est une mère qui, avec l'aide d'une sage-femme, a rédigé un « Guide de l'après-accouchement » (Albin Michel). Heureuses seront les mères capables d'utiliser de tels ouvrages sans renoncer à leur inventivité propre.
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