A NCIEN président de l'Académie nationale de chirurgie et professeur émérite de clinique chirurgicale à la faculté de médecine de Strasbourg, Louis-François Hollender s'est attaché dans son livre* à retracer non seulement l'histoire de sa discipline dans la capitale alsacienne, mais à rappeler le rôle primordial joué par les chirurgiens dans l'évolution des sciences médicales des origines à nos jours.
Foyer de la Réforme et de l'humanisme, Strasbourg est, dès la fin du XVe siècle, un important centre d'imprimerie où paraissent de nombreux traités de médecine et de chirurgie, en latin comme en allemand. Cinq siècles plus tard, le Pr Hollender en dissèque avec minutie le contenu et en révèle aussi bien les perspectives que la modernité, qu'il replace dans le contexte de leur époque. Au XVIe siècle, des praticiens doués, souvent hardis, côtoient des chirurgiens-barbiers moins scrupuleux, obligeant la ville à réglementer l'exercice de la profession et à en combattre les abus. A partir du siècle suivant, la chirurgie s'ouvre petit à petit les portes de l'université. Stimulée par l'essor de l'anatomie, la discipline se précise et s'organise. Mais si de grands chirurgiens, civils et militaires, en illustrent l'essor au XVIIIe siècle, la première chaire de chirurgie ne sera créée à la faculté de médecine qu'après la Révolution.
La pince de Koeberlé
Des enseignants les moins connus aux maîtres les plus illustres, le Pr Hollender nous invite à découvrir la vie et l'uvre de tous ceux qui bâtirent la chirurgie strasbourgeoise, le plus fameux d'entre eux étant sans doute Eugène Koeberlé (1828-1915), précurseur de la chirurgie abdominale et gynécologique, mais aussi inventeur de la fameuse pince hémostatique avec cliquet qui porte son nom, sauf à Paris où on l'appelle pince de Péan : Koeberlé reprochera toujours à son confrère parisien de s'être « approprié » sa découverte, alors qu'il apparaît clairement que c'est le Strasbourgeois qui avait mis au point cet instrument dès 1865, plusieurs années avant le Parisien.
Alsaciens de souche, Français ou Allemands, la galerie des chirurgiens qui ont exercé à Strasbourg s'enrichit de noms aussi prestigieux qu'Eugène et Jules Boeckel, Otto Madelung ou René Leriche, dont nombre d'étudiants devinrent à leur tour des ténors de la discipline. Replaçant les évolutions strasbourgeoises dans le cadre de leur époque, le Pr Hollender montre comment la chirurgie alsacienne s'est enrichie, dès ses origines, de la double influence française et allemande dans laquelle elle baigne en permanence.
Précis et agréable à lire, l'ouvrage s'inscrit dans le cadre plus large de l'histoire des sciences et des idées ; il souligne de même combien le « prisme chirurgical » révèle l'histoire de la ville tout entière.
* « Chirurgiens et chirurgie à Strasbourg », Louis-François Hollender, Emmanuelle During-Hollender, Editions Coprur, 240 pages, 230 F.
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