JAZZ/ROCK
Par Didier Pennequin
E N ce début de XXIe siècle, le jazz - musique du XXe siècle par excellence - est à la croisée des chemins. Il balance entre la pérennité, incarnée par certains de ses principaux acteurs encore vivants, et des continuateurs comme Wynton Marsalis, l'évolution plutôt que la révolution et le métissage à outrance. En fait, le vrai jazz est mort. Depuis longtemps. Cette appellation contrôlée - par les medias et les maisons de disques pour des raisons économiques -, s'est depuis plusieurs décennies adjointe des termes comme : be-bop, hard-bop, free, fusion, rock, et plus récemment hip-hop, trip-hop, groove, techno, etc., pour survivre.
L'un des exemples les plus remarquables de cette assimilation d'étiquettes pourrait être le trio Medeski, Martin & Wood (1). Créé en 1991, le groupe, qui comprend John Medeski (claviers), Billy Martin (batterie) et Chris Wood (guitare), a rapidement bouleversé les habitudes d'écoute. D'autant qu'en l'espace d'un an, les trois musiciens ont publié coup sur coup trois albums en France : « Last Chance To Dance Trance (Perhaps) Best Of (1991-1996) » (Ryko/GramaVision), « Tonic » (Blue Note/EMI) et tout récemment « The Dropper » (Blue Note/EMI). La recette ? Une étonnante alchimie de tout ce que le jazz et les autres musiques peuvent produire actuellement, du jazz pur et groovy au free en passant par la pop dance et le street funk. Avec en prime, dans leur dernier CD, des invités de marque comme Marshall Allen (saxes, ex-Sun Râ), Marc Ribot (guitare) et quelques cordes. Bref, trois étonnants voyageurs dans un monde musical sans aucune frontière !
Quand il est arrivé sur la scène du jazz européen, voici un peu plus de trois ans, le trompettiste français Erik Truffaz, la trentaine, a surpris son monde. La sortie récente en coffret de ses deux premiers albums, « The Dawn » (1997) et « Bending New Corners » (1999), donne toute la dimension musicale d'un instrumentiste dont le style est quasiment sans limite, oscillant entre les plages les plus modernes de la musique d'aujourd'hui et un jazz minimaliste ponctué par la trompette et les récitations et incantations d'un rappeur, avec le soutien d'une formation très soudée.
La plus grande surprise musicale de ce siècle nouveau - et sans doute pas la dernière ! - est l'uvre de l'un des plus éclectiques musiciens français : Michel Portal. Jazzman, musicien classique et contemporain, multi-instrumentiste renommé, capable de s'adapter à tous les terrains et terreaux musicaux, Michel Portal, 65 ans, vient une nouvelle fois de lancer un défi musical à la hauteur de son immense talent, avec la publication de « Minneapolis » (Universal Jazz). Cet autre étonnant voyageur a réuni autour de lui des musiciens très éloignés de ses bases : Michael Bland (batterie) et Sonny Thompson (basse électrique) - tous deux ex-New Power Génération du chanteur Prince -, Vernon Reid (guitare) - ex-Living Colours -, et Tony Hymas (claviers), qui pourrait être le lien entre tous les membres du groupe. Là encore, le résultat est surprenant et intéressant. Surprenant, car Michel Portal possède de réelles qualités d'adaptation et parvient à guider ses acolytes venus d'horizons différents. Intéressant, puisque les cinq hommes parviennent à créer une musique dont les phrases, les rythmes et les accents, sont aux confins de plusieurs mondes qui semblaient évoluer parallèlement. Cet incroyable « métissage » de la part d'un des grands instrumentistes français est le signe que les mentalités et les affinités changent. A découvrir en direct (2).
New Morning (01.45.23.51.41), 22 janvier, 21 h.
(2)Festival Sons d'Hiver, Créteil, Maison des Arts André-Malraux (01.45.13.19.19), 10 février, 20 h 30.
Bloc Notes
Pierre Blanchard
Tout auréolé de son nouveau CD, « Volutes » (Charlotte Production/Night&Day), après sept ans d'absence phonographique, le violoniste français Pierre Blanchard, dont le jeu très inventif et particulièrement audacieux est toujours surprenant, repart en campagne à la tête de son grand orchestre à cordes, baptisé « Arcollectiv' ». Certes, cette approche de la musique écrite et improvisée possède de très grands accents classiques. Mais cela n'enlève rien à la spontanéité et surtout au talent d'un grand ensemble dont tous les membres, emmenés par un excellent leader et soutenus par une rythmique jazz (piano-basse-batterie), sont les artisans d'une musique aux brassages multiples.
New Morning (01.45.23.51.41), 25 janvier, 21 h.
Jef Sicard
Porter haut et fort depuis plus de trois décennies le drapeau d'un jazz libre et sans contraintes, telle est la maxime du multi-instrumentiste et surtout clarinettiste Jef Sicard. A l'inverse des Américains, en particulier à New York, qui reconnaissent enfin ces adeptes de l'esthétique free, le public et certains labels français continuent à bouder des musiciens intègres, dont le jeu, certes, a toujours de quoi surprendre. A l'heure où la musique de jazz se cherche, la rencontre entre Jef Sicard et le bassiste François Méchali ouvre de nouveaux horizons.
La Fenêtre (01.40.09.70.40), 25 janvier, 15 h (en collaboration avec la Maison du jazz).
Alain Jean-Marie
Le pianiste Alain Jean-Marie est vraisemblablement le musicien de jazz français qui possède la plus riche palette de talents ! Accompagnateur, il est demandé depuis plus de trente ans par les plus grands solistes. Leader, il a été un des premiers à marier les rythmes et les airs de ses Antilles natales au jazz. Aujourd'hui, le revoilà avec un nouvel album, « Biguine Reflexions - Delirio » (Universal Jazz), quatrième opus dans lequel il poursuit son travail exploratoire des biguines traditionnelles et actuelles. Mais, comme l'homme est surtout un caméléon, il se produira en trio style be-bop avec Gilles Naturel (basse) et John Betsch (batterie).
Duc des Lombards (01.42.33.22.88), 22 et 23 janvier, 21 h.
Eric Watson
A 45 ans, le pianiste Eric Watson a travaillé avec certains des plus grands musiciens américains et européens, depuis son installation en France en 1978. Considéré comme un des héritiers de Thelonious Monk et de Cecil Taylor, mais également de Charles Ives ou Scriabine, Eric Watson est, en ce sens et avant tout, un explorateur. Son dernier CD, « Full Metal Quartet » (Universal Jazz), avec notamment le saxophoniste ténor Bennie Wallace, est la parfaite concentration des aspirations d'un pianiste atypique.
Sunside (01.4026.21.25), 26 et 27 janvier, 21 h.
Palmarès de l'Académie du jazz 2000
Une étoile montante du jazz français - le pianiste Jean-Michel Pilc -, un des grands acteurs de l'évolution du jazz américain - le saxophoniste-alto Lee Konitz -, et une ancienne gloire du rock anglais - le chanteur Georgie Fame -, figurent parmi les principaux récipiendaires des prix pour l'année 2000 de l'Académie du jazz, qui a rendu un hommage appuyé et émouvant à son ancien président Maurice Cullaz, décédé à la fin du mois d'octobre dernier.
Jean-Michel Pilc a obtenu le prix Django-Reinhardt du musicien français de l'année, pour la publication de deux CD enregistrés en direct aux Etats-Unis à la tête de son trio, « Together, Live at Sweet Basil » (distr. DAM), Lee Konitz a été récompensé dans la catégorie « meilleur album de l'année » pour « Sound of Surprise » (RCA/BMG) et Georgie Fame pour le prix Billie Holiday, attribué au meilleur disque vocal avec « Poet in New York » (Black&Blue/Night&Day).
Parmi les autres promus figurent notamment le duo Michel Graillier/Ricardo Del Fra (prix Boris Vian) pour leur disque en duo, « Soft Talk » (Sketch/Harmonia Mundi), la pianiste belge, Nathalie Loriers (prix Bobby Jaspar) pour l'ensemble de sa carrière et la réédition de l'intégralité des enregistrements du pianiste Thelonious Monk (prix Maurice-Cullaz), baptisée « The Complete Prestige Recordings » (Prestige/Warner Jazz/WEA).
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