Deux mois après le début de « l’affaire Lévothyrox », va-t-on enfin vers une sortie de crise ? Sur le plan juridique, pas si sûr, comme en témoignent la récente perquisition menée par le parquet de Marseille à l’ANSM et la multiplication des plaintes déposées par les patients. Sur le plan médical, en revanche, les choses semblent vouloir rentrer dans l’ordre.
Comme annoncé par Agnès Buzyn, quatre spécialités à base de lévothyroxine sont désormais disponibles en France (voir encadré). Même si aucune ne permet un retour pérenne à l’ancien Lévothyrox, cette diversification de l’arsenal thérapeutique est bienvenue. « Lorsque les patients se plaignaient d’effets secondaires durables sous Lévothyrox, il était vraiment difficile de n’avoir rien d’autre à proposer, témoigne le Dr Suzanne Laroche (Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris. L’arrivée de nouvelles molécules devrait calmer le jeu ».
Autre élément positif : publiés la semaine dernière, les premiers résultats de l’étude de pharmacovigilance de l’ANSM écartent pour le moment l’hypothèse d’une toxicité spécifique du Lévothyrox nouvelle formule. Entre fin mars et mi-septembre, 14 633 signalements d’effets indésirables (EI) ont été reçus par les centres régionaux de pharmacovigilance, dont près d’un tiers a été renseigné dans la base nationale de pharmacovigilance (BNPV).
L’analyse globale de ces signalements ne met pas en évidence d’EI nouveaux mais pointe une fréquence accrue. Fatigue, maux de tête, insomnie, vertiges, douleurs articulaires et musculaires et chute de cheveux sont les EI les plus souvent rapportés. Une analyse plus fine portant sur des patients ayant une TSH documentée avant et après la substitution a permis l’identification d’authentiques cas d’hypo ou d’hyperthyroidie. Ce travail a aussi mis en évidence une symptomatologie aspécifique, associant des signes d’hypo et d’hyperthyroïdie, chez des patients ayant une TSH normale.
Si tous ces éléments vont plutôt dans le bon sens, ils soulèvent aussi des interrogations. En premier lieu : les nouvelles molécules mises à disposition feront-elles mieux que le Lévothyrox actuel ? Dans la mesure où selon l’ANSM, « tous les effets indésirables [observés avec le Lévothyrox actuel] témoignent d'un déséquilibre thyroïdien en lien avec le changement de traitement » et non pas « d’un effet spécifique de la nouvelle formule », la question reste ouverte « Tout changement de spécialité ou de formule peut modifier l’équilibre hormonal et nécessiter un réajustement du dosage », reconnaît d’ailleurs l’ANSM.
Sur le terrain cependant, « même si l’on manque de recul, j’ai plutôt l’impression que les patients sont mieux », rassure le Dr Laroche. Par ailleurs, la L-Thyroxin Henning « est commercialisée depuis plusieurs années en Allemagne », rappelle l’ANSM tandis que la L-Thyroxine Serb est utilisée en France depuis 2008.
Autre zone d’ombre : pourquoi certains malades ont-ils été plus perturbés que d’autres ? Dans son rapport, l’ANSM suggère l’existence de « patients vraisemblablement sensibles à de très faibles variations de doses » mais « sans que des facteurs puissent permettre la prédiction de ce risque individuel ».
« Dans le service, les patients atteints de cancers de la thyroïde avaient globalement moins d’effets secondaires que ceux traités pour une thyroïdite d’Hashimoto. Cela a aussi été plus compliqué pour ceux qui avaient déjà du mal avec l’ancienne formule », rapporte le Dr Laroche qui n’exclut pas un effet nocebo. « Nous nous sommes d’ailleurs rendu compte que pour certains patients, la plainte rapportée était déjà là avant la substitution, mais beaucoup moins verbalisée ».
Quid enfin de la fiabilité de la TSH comme marqueur de l’équilibre thyroïdien ? Selon le courrier adressé aux prescripteurs au moment du changement de formule, la TSH permet à elle seule de confirmer le maintien de l’euthyroïdie. Mais la mise en évidence d’une symptomatologie de type dysthyroïdie chez des patients ayant une TSH normale amène à s’interroger. « La TSH est vraiment un bon marqueur, confirme le Dr Laroche. Pour autant, il ne faut pas hésiter à doser les hormones libres en cas de doutes ». Il faut aussi savoir rechercher une autre cause pouvant expliquer les symptômes. « Récemment, une patiente se plaignait de vertiges sous Lévothyrox alors qu’il s’agissait d’un authentique vertige paroxistique bénin ».
De nouvelles alternatives
Depuis mi-octobre, 4 spécialités de lévothyroxine sont disponibles en France :
– L’Euthyrox, équivalent allemand de l’ancien Levothyrox qui reste une option temporaire de dernier recours .
– La L-Thyroxin Henning, disponible de manière durable, recommandé notamment en cas d’effets indésirables persistants sous Levothyrox nouvelle formule.
– La L-Thyroxine Serb, qui s’adresse prioritairement aux de moins de 8 ans et aux personnes ayant un trouble de la déglutition.
–Le Levothyrox nouvelle formule, qui doit être poursuivi chez tous les patients qui ne rencontrent pas de problème ou sont en cours de stabilisation.
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