C LAUDE REGY a toujours ouvert les voies, montant, dès les années soixante, les Stoppard, Saunders, Pinter, Ayckbourn, les jeunes gens en colère de Grande-Bretagne. Il a monté, le premier en France, Handke, Botho Strauss, Sarraute, Duras, tant d'autres. L'écriture a toujours été son tourment, sa passion, et, depuis quelques années, il s'enfonce dans des terres peu frayées. Mais c'est toujours par un auteur qu'il s'aventure vers des zones limites du « représentable ».
Il revient aujourd'hui au Norvégien Jon Fosse, dont il a mis en scène, il y a un an, « Quelqu'un va venir ». Une pièce de théâtre. Cette fois, Claude Régy s'est intéressé à un roman de Fosse, traduit par Terje Sinding, « Melancholia I » (POL). Un roman qui s'appuie sur la vie vraie et tragique d'un peintre paysagiste de son pays, Lars Hertervig (1831-1902), qui mourut à l'asile après des années d'enfermement et de combat douloureux avec la lumière. Un roman dans lequel Fosse, quarante ans, s'interroge aussi sur son métier, bien sûr.
Qu'on ait ou non lu le livre, les pages choisies par Claude Régy, une vingtaine de pages, ont leur cohérence. On entend un homme qui entre dans un café très fréquenté par des artistes, des peintres qui ne savent pas peindre comme il le déplore... Accroche. Ce que tente Régy, avec un dispositif scénique de Daniel Jeanneteau, est de l'ordre de l'expérience sensible à laquelle, tacitement, le spectateur accepte de participer. Noir absolu, comme un seuil, lumière très blanche et s'irisant de gris bleutés, comme un fjord, ombres chinoises, visages avalés par la pénombre, voix, peu de musique (György Kurtäg), peu de sons (Philippe Cachia). L'encre d'un texte, le grain d'une voix. Quelque chose devient palpable, qu'on ne sait pas analyser. Tout est de l'ordre du ressenti, du sourdement sinon confusément ressenti. A chaque spectateur, on le suppose, des images, des impressions, des émotions. Yann Boudaud et Jean-Louis Coulloc'h, l'un qui dit l'essentiel du texte, l'autre qui est en posture d'écoute et de rares réponses, portent intellectuellement, physiquement, sensiblement cette parole qui se déploie, mystérieuse et puissante. Une expérience.
Théâtre national de la Colline, petite salle, à 19 h le mardi, à 21 h du mercredi au samedi, à 16 h le dimanche. Durée : 1 h 50 sans entracte. Jusqu'au 25 février (01.44.62.52.52). Le texte de Jon Fosse est publié par P.O.L.
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