L'hémodialyse à domicile fait campagne en camping-car

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Publié le 01/07/2016
DIALYSE

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Crédit photo : DR

C’est une première, à l’initiative du CHU de Caen et de l’ANIDER (Association normande pour la dialyse), relayée sur les plateformes de Renaloo et de Facebook, avec des flyers adressés aux quelque 800 patients chroniques concernés dans la région : à Lisieux le matin, à Argentan l’après-midi, les dialysés normands ont été invités à assister à une hémodialyse à domicile (HDAD) et à échanger avec le patient.

Un apprentissage de 8 semaines

Dans un camping-car, « le cobaye », ainsi que se présente en souriant M. L., a branché lui-même son cycleur Nx-stage, une machine de la taille d’une grosse imprimante de bureau, un cube de 40 cm de côté, d’un poids de 35 kg, financée par l’ANIDER (coût unitaire de 20 000 euros), paramétrée selon la prescription de son néphrologue ; il a ensuite planté ses aiguilles dans sa fistule, sur son avant-bras, toujours de lui-même, en présence d’un tiers, comme l’impose la réglementation. « C’est un apprentissage qui nécessite de quatre à huit semaines de formation en centre spécialisé, précise l’infirmière coordinatrice de l’insuffisance rénale chronique au CHU de Caen, Ludivine Videloup, mais au final, tous les patients maîtrisent le geste et même ils sont fiers de le perfectionner. Et on ne connaît pas à ce jour le moindre incident sérieux. »

Les tubes sont reliés aux cinq poches de cinq litres de dialysat nécessaires à la séance de deux heures, un simple branchement électrique, un tuyau pour la vidange, quelques affichages de données (débit, perte d’eau par heure, alarme de coupure). « C’est simple comme bonjour », assure M. L., qui a appris les conduites à tenir si l’électricité est coupée. Surtout, « c’est la liberté », insiste-t-il auprès des visiteurs qui défilent dans le camping-car, partagés entre curiosité et inquiétude.

Le patient acteur volontaire de sa qualité de vie.

« Délivré des trois séances hebdomadaires de quatre heures, avec le temps de transport qui s’ajoute, le patient devient l’acteur volontaire de sa qualité de vie, se félicite le Dr Maxence Ficheux, PH au centre de dialyse et de consultation de néphrologie de Caen, où sont effectuées 20 000 séances de dialyse annuelles. Plus brève, la HDAD améliore aussi la tolérance, car c’est après 3 ou 4 heures de dialyse qu’on risque surtout les baisses de tension ; par son rythme quotidien (six jours sur sept), elle représente un net gain physiologique, avec un mieux-être du patient qui éprouve une fatigue moindre. Elle est aussi plus économique, car elle dispense du poste onéreux des transports. »

Un marché qui pourrait tripler.

Bref, « c’est génial ! », n’hésite pas à s’exclamer M. L. Mais c’est encore très marginal. « De 1 300 personnes hémodialysées à domicile en 1990, on est tombé à 220 en 2012 », explique Guillaume Faure, du laboratoire Theradial, le distributeur de la marque Nx-stage, l’une des deux proposées en France, avec Physidia. Un déclin lié au développement des unités de dialyse de proximité, mais la tendance s’est inversée. Aujourd’hui, on compte en France 330 patients équipés d’un cycleur à domicile, un nombre qui pourrait tripler si l’on rejoint les pays les plus avancés que sont en ce domaine l’Australie, le Canada, ou la Nouvelle-Zélande.

À terme, avec une miniaturisation qui progresse, le score de la HDAD pourrait rejoindre celui de la DPA (Dialyse péritonéale automatisée), qui flirte avec les 10 % de dialysés. « Pour les patients en attente de greffe, ceux qui doivent renoncer à la DPA et d’une manière générale pour tous les insuffisants rénaux chroniques, même âgés, cette proposition de prise en charge ambulatoire est porteuse, elle gagne à être mieux connue des généralistes », insiste le Dr Ficheux.

« Peut-on retirer soi-même les deux aiguilles à la fois ? » « Auprès de qui faut-il faire la demande de machine ? » « Que faire si la fistule gonfle ? » M. L. a réponse à toutes les interrogations. Il s’apprête à partir en vacances dans son mobile-home. « J’ai rassuré mon médecin traitant qui s’inquiétait de savoir si j’avais trouvé un centre de proximité », sourit-il, autonome et fier de l’être.

Christian Delahaye

Source : lequotidiendumedecin.fr