L ES sanctions collectives ont-elles vécu ? Le système de pénalités financières imposées à l'ensemble du corps médical, en cas de dépassement des objectifs de dépenses d'assurance-maladie, fait en tout cas l'objet d'un tir croisé en France et en Allemagne.
La nouvelle ministre allemande de la Santé, Ulla Schmidt, a décidé de revenir sur ce mécanisme lorsqu'il s'applique aux dépassements des enveloppes. Ulla Schmidt n'exclut pas d'aller plus loin et de suspendre l'application de pénalités financières collectives en cas de dépassements des objectifs de dépenses d'honoraires. Elle tire ainsi les leçons de l'hostilité des médecins à un tel dispositif qui pénalise même ceux qui ont cherché à contrôler au mieux leurs prescriptions et à tenir compte des contraintes économiques de la collectivité.
La ministre allemande est d'autant plus encline à abandonner ce système que son efficacité comptable est, semble-t-il, très relative.
Les nouvelles orientations du gouvernement allemand vont nourrir les réquisitoires de ceux qui, en France, fustigent les sanctions collectives. Ces procureurs ne se recrutent pas que dans les rangs des syndicats médicaux, adversaires de longue date de la maîtrise comptable. Des spécialistes de l'organisation du système de soins, comme Jean de Kervasdoué, n'ont jamais cru à l'efficacité ni à la légitimité de ce système. Jacques Chirac - dont le Premier ministre, Alain Juppé, avait pourtant posé, en 1996, les fondements du dispositif de reversements - plaide une nouvelle fois pour « une responsabilité individuelle fondée sur l'évaluation et le respect des bonnes pratiques médicales ». Elisabeth Guigou n'est pas sur une ligne fondamentalement différente.
Certes, elle a refusé d'abroger - tant qu'un autre mécanisme ne sera pas en place - le système actuel qui consiste à baisser les tarifs des actes de toute une spécialité en cas d'évolution des dépenses plus rapide que prévue. Mais elle a reconnu que le procédé des sanctions collectives n'est pas pertinent. Et les responsables des trois caisses d'assurance-maladie viennent d'indiquer, eux aussi, qu'ils sont prêts à explorer plus avant « les voies de la responsabilité individuelle ». Autant d'attaques convergentes laissent supposer que les sanctions collectives sont, à terme, condamnées.
Mais l'élaboration d'un système de régulation des dépenses de médecine de ville, reposant sur des sanctions individuelles et qui soit, à la fois, acceptable par les médecins et économiquement efficace, procède du casse-tête chinois.
S'il s'agit de sanctionner individuellement des médecins qui ne respectent pas des recommandations de bonne pratique, le corps médical sera prêt à jouer le jeu. Ce dispositif serait, à terme, porteur d'une rationalisation du système de soins, mais ne garantirait nullement, à brève échéance, le respect des objectifs de dépenses fixés par les pouvoirs publics. S'il s'agit de concevoir un mécanisme permettant, par le biais de sanctions individuelles, de récupérer le « trop-dépensé » par rapport aux objectifs de l'assurance-maladie, les praticiens crieront à nouveau à la « maîtrise comptable ».
La conception même d'un procédé de sanctions individuelles peut être contestée à d'autres points de vue. Dans un système de médecine de ville libérale, où les patients choisissent librement leur praticien, au nom de quoi sanctionner un médecin qui, parce qu'il développe son activité, à une évolution de ses honoraires et de ses prescriptions plus importante que la moyenne ? Opter pour une telle voie n'équivaudrait-il pas à figer les parts de marché de chaque praticien ? La mise en uvre d'un système reposant sur la responsabilité individuelle exige, en outre, un appareil statistique sophistiqué dont la France ne dispose pas pour l'instant. Autant d'obstacles qui sont loin d'être surmontés. Et qui soulignent la difficulté qu'il y a à maîtriser les dépenses dans des pays où la médecine de ville repose sur un exercice libéral, avec paiement à l'acte et liberté de prescription, mais où les soins sont remboursés par un système d'assurance-maladie. Aucun Etat n'a jusqu'à présent résolu ce problème de manière satisfaisante et durable.
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