L’heure d’été permanente ? Une mauvaise idée pour la santé

Publié le 04/05/2019
Horloge astronomique

Horloge astronomique
Crédit photo : STEVE ALLEN/SPL/PHANIE

On a beau rêver toute l’année des soirées ensoleillées qui s’éternisent jusqu’à 22 heures au jardin, vivre à l’heure d’été permanente ne promet en rien la douceur que l’on associe à ces instants. Au contraire, mettent unanimement en garde les chronobiologistes : vivre 365 jours par an en décalage de deux heures avec l’heure solaire (UTC +2) risque d’aggraver notre déficit chronique en sommeil, et les troubles dont souffrent déjà de nombreux Français.

Les Français sont bien mal informés des conséquences du choix qu’on leur demande, déplore le Dr Claude Gronfier, chercheur INSERM au centre de recherches en neurosciences de Lyon et vice président de la société francophone de chronobiologie. L'alternance heur d'été/heure d'hiver devenait de plus en plus impopulaire. Aussi, en septembre dernier, le président de la Commission européenne a en effet annoncé vouloir renoncer, à l’horizon 2020 ou 2021, au changement d’heure semestriel, initialement instauré en 1976 pour permettre des économies d’énergie. A charge pour chaque Etat de consulter ses citoyens sur l’option définitive, qui reste à choisir : vivre toute l’année à l’heure d’hiver (UTC+1) ou plutôt à l’heure d’été. « Aucune étude épidémiologique prospective n’en a vraiment démontré l’effet néfaste et très peu (moins de 50 en 40 ans) en ont étudié rétrospectivement les effets », regrette le chercheur.

Au terme de la consultation citoyenne organisée en France par l’assemblée nationale au mois de février, 80 % des quelque 2 millions de répondants sur internet approuvent la fin du changement d’heure. Mais ils sont aussi une majorité (59,17%) a avoir opté pour l’heure d’été actuelle. « Au Pays-Bas, la même consultation s’est accompagnée de réunions. Les néerlandais, qui ont bénéficié d’une information éclairée, ont finalement opté pour l’heure d’hiver », souligne le Dr Gronfier, furieux que les observations des chronobiologistes, n’aient pour l’instant pas été prises en compte.

Les sociétés savantes en faveur de l'heure d'hiver

La Société Française de Recherche et Médecine du Sommeil (SFRMS), l’European Sleep Research Society (ESRS), la Society for Light treatment and biological rythms (SLTBR), ont également pris une position commune en faveur de l’heure d’hiver permanente, la plus à même de favoriser la synchronisation de nos horloges biologiques. « Comme toute vie sur terre, la nôtre est influencée par l’alternance lumière obscurité, qui synchronise notre horloge interne » rappelle Claude Gronfier. De cette horloge, qui s’égrène sur un cycle de 24 heures, plus ou moins dix minutes selon les individus, dépendent toutes nos fonctions physiologiques : sommeil, système cardiovasculaire, digestion, cognition… Son réglage quotidien se fait par l’exposition à la lumière, particulièrement au réveil, via des cellules de la rétine qui ne sont pas dévolues à la vision (cellules à mélanopsine) mais à l’horloge biologique. Un réglage qui serait fortement mis en péril par l’heure d’été permanente, « surtout dans un pays, où l’on vit déjà avec 50 mn d’écart solaire entre Est et Ouest ». Se lever quand il fait nuit en hiver n’est déjà pas facile. Si la France-ou l’Europe-optait pour UTC+2, ce serait encore pire : « l’hiver à Bordeaux, plus encore à Brest, il ne ferait pas encore jour pour la première récréation des écoliers à 10 heures » explique le Dr Taillard.

Aggravation du déficit en sommeil des Français

Mal calée faute de lumière au réveil, l’horloge  biologique manifesterait sa perturbation le soir, avec des couchers plus tardifs et des retards à l’endormissement. De quoi aggraver le déficit de sommeil dont souffrent déjà des Français qui dorment aujourd’hui en moyenne moins de sept heures par nuit.

« Au delà des enfants, des adolescents et jeunes adultes qui souffrent déjà du jet lag social lié au décalage entre leur horloge physiologique et les horaires sociaux, ce serait difficile pour les 25 % de population qui ont un chronotype lève-tard couche tard, dont l’horloge interne a déjà une tendance au retard. Et ce d’autant plus que l’on vit plus à l’ouest du pays » détaille Claude Gronfier. De quoi aggraver le déficit de sommeil d’une part non négligeable des Français, qui dorment tous aujourd’hui en moyenne déjà moins de sept heures par nuit.

Non sans conséquences sur leur santé : on sait, pour le mesurer chez les travailleurs de nuit, que le décalage de l’horloge biologique vers le soir provoque troubles de la vigilance et accidents, augmente syndrome métabolique, pression artérielle, risque d’obésité, de diabète de type 2 et maladies cardiovasculaires. Et même les cancers : « En 2017 des chercheurs américains ont comparé la santé de personnes vivant de part et d’autre d’un même fuseau horaire et observé une prévalence de cancers supérieure chez ceux qui vivent le plus à l’ouest, avec une moindre lumière du matin. »

Claudine Proust

Source : lequotidiendumedecin.fr