L E regain d'agitation sociale auquel semble confrontée la France depuis quelques semaines - ce fameux « retour du social » sur lequel on glose tant et qui, dans la foulée des municipales inquiète le gouvernement - n'épargne guère le monde de la santé. Certes, dira-t-on, les conflits sont récurrents depuis de nombreuses années dans ce secteur. N'empêche : l'équipe de Lionel Jospin risque fort de devoir faire face, d'ici à l'été, à une multitude de conflits notamment, mais pas seulement, dans le secteur hospitalier.
La longue grève des sages-femmes - popularisée par la mère du Premier ministre - est révélateur de la grogne larvée des professionnels de santé. Si certaines revendications des sages-femmes - qui ont l'oreille attentive de Bernard Kouchner - peuvent être facilement satisfaites d'autres - notamment celles qui concernent les rémunérations des hospitalières - placent le gouvernement en difficulté. Il est, en effet, hors de question pour les pouvoirs publics d'augmenter l'enveloppe de deux milliards qui vient d'être accordée aux personnels hospitaliers dans la cadre du protocole signé par Elisabeth Guigou et la plupart des syndicats.
Hôpitaux : le dossier explosif de la RTT
La grève des sages-femmes en annonce d'autres. Les syndicats de personnels hospitaliers qui ont déjà organisé une journée de grève - unitaire, pour la première fois depuis longtemps, le 6 février dernier se sont également bien mobilisés lors de la journée d'action de la fonction publique pour les revalorisations de salaires. La CGT qui est la première organisation syndicale dans les hôpitaux semble prête à passer à l'action.
Mais c'est la mise en place des 35 heures qui, de l'avis des directeurs d'établissement, est le dossier le plus lourd de menaces. Le gouvernement a bien indiqué qu'il dégagerait des moyens supplémentaires notamment pour financer des augmentations d'effectifs, afin d'assurer le succès de cette réforme. Mais sera-t-il prêt à aller jusqu'au bout de sa logique et à accorder la dizaine de milliards qu'exigerait, selon la Fédération hospitalière de France (FHF), la réduction du temps de travail. En outre, cette réforme ne pourra se concrétiser sans une profonde réorganisation du travail à l'hôpital qui sera la source de multiples conflits locaux. Le cadre national qui fixera les grandes orientations pour les modalités d'application des 35 heures dans les hôpitaux publics doit être arrêté fin juin. La seule question qui se pose est de savoir si les conflits sur la RTT à l'hôpital éclateront avant les vacances où à la rentrée ce qui, à six ou sept mois de la présidentielle, placerait Lionel Jospin dans une situation délicate.
Grève des praticiens hospitaliers
A la grogne des personnels s'ajoute celle des praticiens hospitaliers. Deux organisations de médecins (la Confédération des hôpitaux généraux et le Syndicat national des médecins des hôpitaux publics) qui jugent inacceptables les premières propositions faites par le gouvernement pour l'application des 35 heures, appellent, d'ores et déjà, à une journée nationale de grève le 19 avril.
Autres conflits qui pourraient éclater dans les semaines à venir, de manière peut-être plus localisée : ceux qui concernent les personnels des cliniques privées. Les cliniques, qui ont déjà dû financer la mise en place des 35 heures, affirment que leurs tarifs ne leur permettent pas de satisfaire les revendications de leurs personnels. Revendications d'autant plus fortes que les salaires pratiqués dans les établissements privés sont souvent inférieurs à ceux des hôpitaux et que, dans certaines régions, de nombreuses infirmières préfèrent aller travailler à l'hôpital. Les responsables de l'hospitalisation privée exigent donc qu'Elisabeth Guigou leur accorde une enveloppe supplémentaire pour financer des mesures sociales. L'augmentation de 2,69 % des tarifs des cliniques qui doit entrer en vigueur le 1er mai est jugée notoirement insuffisante par les responsables de la profession, qui ont refusé d'approuver cette proposition du gouvernement.
La mobilisation des libéraux
Enfin, les professionnels de santé libéraux ne désarment pas. Opposés, dans leur écrasante majorité, au système actuel de régulation des dépenses de santé - notamment aux baisses de tarifs en cas de hausse des dépenses plus élevé que prévue - ils ont décidé, à l'appel du Centre national des professions de santé - d'organiser une grande manifestation nationale unitaire, à Paris, le 12 juin pour laquelle ils espèrent réunir 250 000 participants.
L'ensemble de ces mouvements tombe d'autant plus mal pour le gouvernement que la hausse relativement soutenue des dépenses d'assurance-maladie - qui ont augmenté au rythme de 6 % l'an durant les deux premiers mois de l'année - ne lui laisse guère de marge de manœuvre.
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