De notre envoyée spéciale
A UTANT l'avouer d'emblée, le premier sujet abordé en session inaugurale, le cas douloureux de l'épidémie africaine liée à l'infection par le VIH et par le SIDA, ne le sera plus au cours de cette 8e Conférence sur les rétrovirus et les maladies opportunistes, qui se tient actuellement à Chicago. Selon Jeffrey D. Sachs (Cambridge, Massachusetts), les efforts consentis par les industriels de la pharmacie, il y a neuf mois, sur la baisse des prix des antirétroviraux, ne sont pas suffisants et « cette situation est dangereuse pour de nombreux aspects. La santé publique n'existe pas en Afrique, le coût de ces traitements devrait être supporté par les pays riches, les industriels devront leur faciliter la tâche ».
Au cours de cette 8e Conférence, présidée par Constance A. Benson (Denver), qui réunit 3 446 participants (58 pays sont représentés), les stratégies thérapeutiques, notamment l'immunothérapie, et leurs complications restent en première ligne. « C'est la première fois que l'on parle de façon concrète à travers les essais cliniques de nouvelles molécules intervenant sur le corécepteur, modifiant la protéine avant qu'elle se lie au corécepteur ou ciblant la toute première étape de fusion des virus qui s'accole à la membrane de façon non spécifique », explique Jean-François Delfraissy (Paris).
Le T-1249, inhibiteur de fusion
Des essais de phase II ont été présentés sur des inhibiteurs de la fusion qui commencent à apparaître en thérapeutique, le T-20 (Roche) et son cousin germain, le T-1249 (39 amino-acides de synthèse). Ce dernier possède les mêmes propriétés que le T-20, dont il dérive, mais se distingue par une demi-vie plus longue. Les résultats présentés par J. Eron (Chapton Hill, Etats-Unis) portaient, au cours d'un essai ouvert, sur 6 cohortes de 12 patients infectés par le VIH qui ont reçu en monothérapie une dose allant de 6,25 mg/j à 50 mg/j en administration sous-cutanée. La réduction moyenne de la charge virale est de 1,3 log copies/ml au 14e jour. Les effets secondaires sont essentiellement une douleur au point d'injection (40 %). Sa pharmacocinétique plus longue autorise une administration en une seule prise. Selon les conclusions de l'auteur, le T-1249 apparaît être un bon successeur du T-20 mais ne sera pas disponible avant trois ans. L'attente des cliniciens reste néanmoins forte, puisque ces produits ne présentent pas de résistances croisées avec les autres antirétroviraux.
Un booster immunologique
Les premières données de l'immunothérapie, c'est-à-dire la stimulation de la réponse immune, soit par le vaccin, soit par l'interruption thérapeutique, ont été présentées. « C'est également la première année où sont dévoilées les premières approches de stimulation de la réponse immune via la vaccination », poursuit le Pr Jean-François Delfraissy.
Seules de courtes séries de patients sont disponibles (X. Jin, New York, 14 patients). Elles montrent que le vaccin (non DNA, non recombinant, utilisant la Gp et plusieurs lipopeptides) a été utilisé avec succès comme booster immunologique chez des patients sélectionnés qui, bien qu'ayant une charge virale indétectable et, donc, parfaitement contrôlés par le traitement conventionnel antirétroviral, testent l'hypothèse d'un arrêt de traitement afin d'obtenir un autre équilibre immunologique. Le traitement antirétroviral est en effet maintenu au cours de ces premiers essais, l'idée étant de pouvoir y surseoir ensuite. Dans cet essai, le vaccin est bien toléré avec une certaine immunogénicité. Mais les effets immunologiques demeurent relativement transitoires, de l'ordre de quelques semaines.
Des fenêtres thérapeutiques
Les interruptions thérapeutiques programmées constituent la seconde approche, et un autre point fort de cette conférence. Il s'agit cette fois de stimuler la réponse immune en utilisant le virus pour son propre vaccin. Trois situations sont à l'étude.
Premièrement, la mise en place d'une fenêtre thérapeutique avec l'objectif d'un recyclage au cours des échecs thérapeutiques sévères avec multirésistances, est peu enthousiasmant.
Deuxièmement, chez les patients en succès thérapeutique avec charge virale indétectable, il s'agit cette fois d'établir une épargne thérapeutique (moins de molécules, durée de traitement plus courte, meilleure tolérance). L'essai suisse (SSITT pour the Swiss and Spanish Intermittent Trial) de B. Hirschel (Genève) a été réalisé chez 128 patients traités en moyenne pendant vingt-six mois, ayant interrompu leur traitement pendant deux semaines et repris pendant huit semaines, pour quatre cycles. Les résultats montrent que cette approche n'est pas toxique si elle est menée chez des patients bien contrôlés sur le plan immunologique avec une remontée des CD4. La réponse immunitaire est stimulée chez 50 % des patients, mais « nous ne savons pas encore si cette autovaccination aura un intérêt sur le contrôle de la maladie à long terme par des interruptions thérapeutiques relativement longues », commente le Pr Jean-François Delfraissy. « Il y a, certes, un effet mode, mais ces données récentes suggèrent que l'interruption n'a pas d'effet délétère », poursuit-il.
Enfin, une étude réalisée par le Pr Jean-François Delfraissy, mais qu'il ne présentera qu'au prochain congrès, en Argentine, montre que les fenêtres thérapeutiques ne modifient pas les réservoirs dès lors que l'efficacité antirétrovirale est maintenue.
Le virus ne change pas d'identité dans les réservoirs
Robert Siliciano (Baltimore, Etats-Unis) a présenté une synthèse sur les connaissances actuelles sur les réservoirs de virus. Ces réservoirs existent bel et bien, même lorsque le traitement est institué dès la primo-infection. Ils persistent chez les patients bien contrôlés depuis cinq ans. En analysant les virus qui présentent des résistances aux antirétroviraux, on montre qu'il existe un échange entre les réservoirs et le compartiment plasmatique. Cependant, les résistances ne peuvent se constituer dans les réservoirs qui ne représentent en quelque sorte qu'un lieu de stockage. Enfin, l'association de cyclophosphamide (un immunosuppresseur) au traitement antirétroviral ne permet pas de « nettoyer » les réservoirs.
Les anomalies métaboliques sous influence génétique
Après dix-huit mois à deux ans de HAART, 60 % des patients souffrent d'anomalies métaboliques. Initialement, tout a été mis sur le compte des inhibiteurs de protéases, alors que l'on sait aujourd'hui que les autres classes thérapeutiques peuvent y contribuer. De plus - l'analyse n'a jamais été faite -, il semble que les sujets infectés par le VIH présentent un risque cardio-vasculaire élevé lié aux facteurs de risque classiques ; ils seraient en particulier plus souvent fumeurs que des sujets non infectés par le VIH, au même âge.
Dans une toute nouvelle étude, le Pr André R. Miserez (Suisse) montre que les sujets infectés par le VIH et traités ne sont pas tous égaux devant le risque de développer des anomalies métaboliques. Selon ce spécialiste, il serait utile avant d'instaurer un traitement antirétroviral de réaliser un profil génétique de certaines enzymes intervenant dans le métabolisme du cholestérol. Ce test pourrait permettre d'identifier les sujets le plus à risque de constituer une hypercholestérolémie sévère ou une athérosclérose.
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