Les études épidémiologiques estiment sa prévalence dans la population générale de 6 à 12 ans entre 1 et 3 %. C'est une pathologie difficile à repérer car on a l'impression qu'un enfant ne peut pas être déprimé ! Il est important de savoir la reconnaître. Les symptômes dépressifs sont analogues à ceux de la dépression de l'adulte : tristesse, perte d'intérêt et de plaisir, repli sur soi, ralentissement psychomoteur, troubles du sommeil, troubles de l'appétit, perte d'estime de soi, sentiment de culpabilité et de honte. Certains signes sont plus spécifiques à l'enfant : une irritabilité, des troubles de l'attention avec instabilité, une agitation, une variabilité de l'humeur, des plaintes somatiques (céphalées, douleurs abdominales). Il est admis que certains symptômes puissent évoluer avec l'âge : les plaintes somatiques, l'irritabilité et le retrait seraient plus fréquents chez les enfants, alors que les troubles du comportement et l'hypersomnie prédomineraient chez l'adolescent. La dépression de l'enfant est plus somatique que celle de l'adolescent, elle-même souvent plus comportementale. Un trouble anxieux est associé, dans 30 % à 50 % des cas. Souvent, il précède même la dépression.
L'entretien avec l'enfant ainsi qu'avec ses parents, basé sur un certain nombre de critères, et l'observation du comportement de l'enfant permettent d'orienter le diagnostic. Les propos de l'enfant vont être : « Je suis nul, j'ai envie de rien, je n'y arrive pas, je m'ennuie, j'en ai marre, je m'en fous, personne ne m'aime, je suis méchant, c'est de ma faute... » L'enfant souffre et se sent impuissant. De leur côté les parents vont expliquer : « il n'est plus comme avant, nous ne le reconnaissons plus, il sourit moins, il est devenu indifférent, il a tendance à s'isoler, il ne discute plus, il a l'air absent, il n'est jamais content, on ne peut jamais lui faire plaisir ... » Une modification marquée dans le comportement habituel de l'enfant par rapport à un état antérieur vient confirmer le diagnostic. Il y a un « avant » et un « après ». En outre, ces signes peuvent s'accompagner d'un retentissement scolaire. La chute des résultats scolaires est liée à des troubles de l'attention, un défaut de concentration, un désintérêt. Mais un surinvestissement scolaire peut également se voir.
La dépression de l'enfant est souvent réactionnelle. Un certain nombre de facteurs favorisent son apparition. On retrouve très souvent une notion de perte, qu'il s'agisse de la perte d'un être proche ou d'un animal très investi (chien, chat, poisson rouge, tortue, etc.) Mais tous les événements difficiles de la vie peuvent être en cause: la maladie d'un parent, un environnement familial conflictuel, la maltraitance, une trop grande rigidité dans le mode éducatif, une maladie chronique de l'enfant. En outre, chez un enfant déprimé, il faut toujours rechercher une dépression chez ses parents.
Enfin, il faut toujours éliminer une pathologie organique sous-jacente (troubles neurologiques, troubles endocriniens, troubles infectieux...) ou une prise de traitement médicamenteux pouvant induire une dépression (corticoïdes...).
La psychothérapie est le traitement de choix.
La prise en charge de la dépression de l'enfant est avant tout psychothérapeutique. Plusieurs types sont possibles : psychothérapie de soutien, psychothérapie d'inspiration analytique, thérapie comportementale et cognitive, thérapie familiale. Leur indication dépend de la clinique et du contexte. Ce n'est qu'en l'absence d'amélioration, au bout de quelques consultations, que des traitements chimiothérapiques sont envisagés. Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (Isrs) sont alors prescrits. Les molécules préconisées, la fluoxétine (Prozac) et la sertraline (Zoloft), ont bénéficié d'un grand nombre d'études chez l'enfant, avec une bonne tolérance. La durée du traitement varie entre trois et six mois. Les récidives sont fréquentes dans les années qui suivent (30 à 50 % de récidive à quatre ans selon les études).
Des aménagements scolaires et des aides sociales peuvent être associés. En outre, une guidance et/ou une aide psychologique peuvent être apportées aux parents en fonction de leurs difficultés et du contexte, en particulier s'ils présentent eux même une symptomatologie dépressive. Enfin, une hospitalisation de l'enfant est indiquée en cas de dépression très sévère avec risque suicidaire ou dans les cas où l'environnement familial apparaît particulièrement carencé et peu étayant (maltraitance...).
Les échelles
Les échelles d’évaluation standardisées comme la Children’s Depression Inventory (CDI) ou la Children’s Depression Rating Scale (Cdrs), instruments utilisés dans la recherche, peuvent apporter une aide à l’évaluation et au suivi de l’évolution de la dépression (ce ne sont pas des échelles diagnostiques). Elles reprennent les symptômes classiques de la dépression : troubles du sommeil, tristesse, ralentissement, perte de plaisir, perte de l’estime de soi, culpabilité, etc. Ces symptômes doivent être présents chaque jour pendant plusieurs semaines (deux ou trois) pour pouvoir conclure à une dépression ; sinon, ils traduisent simplement un mouvement réactionnel et adaptatif de l’enfant. Cela conduit à souligner l’importance de revoir l’enfant rapidement après une première consultation, afin de juger due la persistance ou non de la symptomatologie.
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