S ELON le 14e Baromètre annuel « Télérama »-« la Croix »-SOFRES, les Français ne sont plus que 50 % à faire confiance à l'information qu'ils reçoivent de leurs journaux, contre 58 % en 1999. Les radios ne recueillent que 55 % d'indice de confiance (63 % en 2000) et les télévisions 47 % contre 58 %.
Selon la SOFRES, les sympathisants de droite supportent mal l'image que renvoient les médias des mouvements auxquels ils adhèrent et nombreux sont les lecteurs ou auditeurs, notamment les jeunes, qui mentionnent un déficit d'explication.
Ce qui voudrait dire en premier lieu que les journalistes sont plus à gauche que leur audience. On appellera cela la contagion du politiquement correct : dans notre société qui se croit très libérée, le mimétisme des comportements se généralise et les plus grands imitateurs sont les journalistes qui veulent à la fois être les premiers à annoncer un événement et être sûrs en même temps que leur information sera crédibilisée par le concert médiatique.
Ce problème pourrait être facilement résolu si la presse se contentait de signaler les faits, après les avoir suffisamment vérifiés pour qu'elle ait le minimum de doute quant à leur réalité. Malheureusement, il y a l'information et son habillage, qui sert à enfoncer les messages dans les cerveaux de l'audience. On en rajoute, pour être sûr qu'on s'est fait comprendre, quitte à déformer le message initial.
En second lieu, l'élargissement de l'information à tous les secteurs de la société, y compris le secteur scientifique, a conduit bon nombre de journalistes à atteindre leur niveau d'incompétence. Les grands sujets de santé publique ont donné lieu à d'irritantes simplifications. Il suffit de prendre l'exemple tout récent du syndrome des Balkans, dénoncé comme un fléau, alors même que les journaux les plus raisonnables démontraient jour après jour qu'il n'existe pas de lien connu entre l'uranium appauvri et les leucémies.
S'il est vrai que la presse, comme la justice, la classe politique, le corps médical et diverses institutions, doit méditer sur son fonctionnement et sur son avenir, il faut dire, à la décharge de ceux qui y travaillent, qu'ils affirment rarement un fait avant d'avoir interrogé les experts qui en connaissent les tenants et les aboutissants. Le lecteur, auditeur ou téléspectateur, est donc amené à faire le tri entre la présentation d'un sujet et son contenu. Il vaut mieux qu'il se concentre sur le spécialiste interrogé que sur le journaliste qui l'interroge ou que sur celui qui annonce le sujet sans prendre d'indispensables précautions. Pour rester dans le même exemple, le syndrome des Balkans a été cent fois présenté comme une certitude dans le cadre de reportages qui tendaient à mettre en doute et son existence et ses effets nocifs.
L'effort du public
Il ne faut pas oublier non plus qu'un public a parfois les médias qu'il mérite. Les chaînes de télévision privées, qui travaillent pour l'Audimat, ne sont pas toujours des modèles d'information. Elles éclipsent ou résument des sujets essentiels (souvent au nom de la proximité géographique) pour se concentrer sur des thèmes hexagonaux, mais secondaires.
La méthode généralisée du micro-trottoir est la plus perverse : elle recueille des avis qui ne sont pas nécessairement majoritaires, ou qui sont exprimés dans un langage rudimentaire, et donc peu explicite, ou qui traduisent une forte subjectivité. Le public français, qui lit moins de journaux que certains publics étrangers, ne saurait se contenter de la radio et de la télévision, médias pressés qui expédient un sujet en deux minutes. Il doit compléter son information par la lecture d'articles de fond ou voir, à la télévision, les enquêtes plus approfondies diffusées par les magazines.
Beaucoup des reproches qui sont adressés à la presse sont motivés par la faible participation du public à sa propre information, qui est une façon de se cultiver, de se former et d'acquérir un savoir. Le lecteur ou l'auditeur ne sont pas des êtres passifs qui regardent passer le monde. Ils doivent former leur propre jugement, et ils ne peuvent le former que s'ils ont accès à plusieurs sources d'informations. Les pays les plus évolués ne sont pas ceux où la télévision a tué la presse écrite, mais ceux où les deux médias cohabitent dans une prospérité partagée.
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