L' INTERFERON alpha a été utilisé à hautes doses, entre 1 et 50 millions d'unités, dans le traitement du mélanome malin et de l'hépatite C chronique. Ces doses sont associées à un taux élevé d'effets secondaires au niveau du système nerveux central, et notamment des symptômes recoupant ceux de la dépression grave : anhédonie, fatigue, anorexie, difficultés de la concentration et troubles du sommeil. La survenue d'idées suicidaires a également été rapportée, avec plusieurs cas de passage à l'acte. Des études chez l'animal ont montré qu'un prétraitement par des antidépresseurs réduit l'intensité des symptômes induits par l'administration d'une cytokine.
Pour déterminer l'intérêt d'une telle approche chez les humains, Dominique Musselman et coll. (Atlanta) ont choisi la paroxétine, inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine, pour sa facilité d'administration (une prise par jour), l'absence de métabolites actifs et son profil de tolérance favorable.
Quarante patients traités par interféron alpha pour mélanome ont été inclus dans cette étude en double aveugle contre placebo. Chez la moitié d'entre eux, la paroxétine a été commencée deux semaines avant le début du traitement par l'interféron, puis pendant les douze semaines de ce traitement.
Les critères diagnostiques de la dépression majeure
Dans le groupe sous placebo, des symptômes, compatibles avec les critères du DSM-IV de diagnostic de la dépression majeure, se sont développés chez 45 % des patients (n = 9), ce qui illustre la morbidité psychiatrique associée à l'interféron. Dans le groupe traité, on constate une atténuation significative des symptômes d'anxiété et de dépression majeure. Deux des 20 patients (11 %) ont été dans ce cas, ce qui donne un risque relatif de 0,24. Une dépression sévère, nécessitant l'interruption du traitement par l'interféron avant douze semaines, s'est installée chez un seul patient du groupe sous paroxétine (5 %), contre 7 patients du groupe sous placebo (35 %, risque relatif de 0,14). L'incidence des effets secondaire a été similaire dans les deux groupes.
Cette étude prouve l'efficacité des antidépresseurs comme prophylaxie de la dépression chez les patients à haut risque de troubles neuropsychiatriques, observent les auteurs. Plus d'un tiers des patients du groupe sous placebo ont dû arrêter l'interféron alpha, ce qui correspond aux taux rapportés dans la littérature dans le traitement de la SEP. En considérant l'incidence élevée des dépressions majeures avec interruption du traitement chez les patients recevant de l'interféron alpha dans le mélanome malin, le traitement par la paroxétine paraît intéressant, écrivent les auteurs.
Toutefois, il faut documenter un point spécifique qui concerne les hémorragies rétiniennes. Il s'agit d'un effet secondaire rare décrit sous paroxétine (moins de un pour mille). Mais étant donné le développement des hémorragies rétiniennes après la fin des douze semaines de traitement trouvé dans une étude chez un petit nombre de patients et le haut taux de complications rétiniennes sous interféron alpha, il conviendrait de faire des examens réguliers du fond d'il et de dépister les symptômes visuels.
Dans le cas de l'hépatite C, on ne dispose que d'informations limitées sur l'incidence de la dépression et de la neurotoxicité en général. Une étude plus approfondie est nécessaire avant de pouvoir faire une recommandation prophylactique par antidépresseur, avertissent Dominique Musselman et coll.
« New England Journal of Medicine », vol. 344, n° 13, 29 mars 2001, pp. 961-966.
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