P OUR comprendre pourquoi le HSV, qui est un virus neurotrope, peut se développer dans les cellules du mélanome, il faut garder à l'esprit que les mélanocytes (cellules à partir desquelles se développe le mélanome) sont dérivés, au cours de la vie ftale, de la crête neurale.
Le génome du HSV contient un gène, le LR1, dont le produit, la protéine ICP34.5, est le déterminant spécifique de la virulence.
On connaît un virus mutant, appelé HSV1716, déficient en protéine ICP34.5, qui a une létalité réduite : la DL50 (dose létale 50) médiane est supérieure à 1 million de pfu (plaque-forming units), contre 2 pfu pour le virus sauvage de type 17.
Malgré cette faible létalité, le virus mutant HSV1716 se réplique aussi efficacement que le virus sauvage dans des cellules se divisant activement.
Expérimentalement, le HSV1716 s'est montré capable de tuer des tumeurs et d'améliorer la survie de divers animaux.
In vitro, il se réplique préférentiellement dans des lignées de mélanome humain, provoquant la lyse et la mort cellulaire.
Chez des souris noires C57, l'injection de HSV1716 dans des mélanomes intracrâniens retarde les signes neurologiques, induit une régression tumorale et prolonge la survie.
Chez des souris immunodéficientes SCID, après inoculation de cellules de mélanomes humains, puis injection de HSV1716, on observe une réplication virale exclusivement dans le mélanome et une régression tumorale.
Nécrose dans les zones inoculées
Toutes ces données ont incité à penser que le HSV1716 est non toxique et possède un effet thérapeutique. Ce qui a conduit l'équipe de Rona MacKie (Glasgow), forte de ces travaux dans le gliome (1), à conduire une étude préliminaire destinée à évaluer la toxicité et l'efficacité potentielle du HSV1716 chez cinq patients ayant un mélanome malin métastasé de grade IV, non résécable, incluant des nodules des tissus mous, accessibles à l'injection intratumorale directe.
Pour chaque patient, on a inoculé un nodule test avec une dose de 1 000 pfu de HSV1716 (dilué dans 1 ml) et un nodule témoin (1 ml de solution salée stérile).
Tous les patients ont été suivis à la recherche d'effets systémiques adverses et les nodules ont été examinés cliniquement à la recherche de signes inflammatoires.
Chez les patients 1 et 2, les nodules ont été excisés à J14. Les patients 3, 4 et 5 ont reçu une deuxième injection de HSV (même dose) à J14 et leurs nodules ont été biopsiés à J21. Le patient 5 a même reçu, dans un autre nodule, une deuxième série d'injections huit semaines après la première (total de quatre injections).
Les résultats sont les suivants :
- tous ont bien toléré les injections ;
- tous étaient séropositifs pour le HSV avant les injections et leurs IgG et leurs IgM n'ont pas été modifiées par la procédure ; il n'y a pas eu de réactivation d'un virus latent ;
- aucune modification clinique n'a été vue au niveau du nodule chez quatre patients ; en revanche, chez le patient 5 (qui a reçu quatre injections au total), on a constaté un affaissement des deux nodules « traités » ;
- il n'y a pas eu de régression de masse tumorale à un autre site que celui ayant été inoculé ;
- l'analyse histologique a montré des cellules de mélanome nécrosées dans les nodules des patients (3, 4 et 5) qui ont reçu deux injections à J1 et J14, et qui ont été biopsiés à J21 ; chez le patient 5, on a constaté la plus intense nécrose, avec des foyers adjacents de mélanine libre ;
- aucune mort cellulaire n'a été constatée dans le nodule ayant reçu la solution saline.
Poursuivre les travaux
Le fait que chaque patient était séropositif pour le HSV avant l'injection de HSV1716 indique que la capacité du virus à se répliquer n'est pas bloquée par une exposition antérieure au HSV. Le fait que les nodules qui se sont affaissés (patient 5) avaient reçu plus d'une injection indique aussi qu'une seconde dose de virus est capable de réplication et n'a pas été bloquée par une réponse immunitaire.
« Cette étude pilote montre que le HSV1716 se réplique dans les cellules de mélanome, provoque une nécrose cellulaire tumorale et n'est pas toxique. Ces résultats sont suffisamment encourageants pour poursuivre les travaux avec des doses plus fortes de HSV1716 chez des patients atteints de mélanome métastatique », concluent les auteurs.
« Lancet » du 17 février 2001, pp. 525-526.
(1) « Gene Ther », 2000 ; 7 : pp. 859-866.
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