Méningites : l'antibiothérapie prophylactique démontre son efficacité contre les épidémies en Afrique subsaharienne

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Publié le 27/06/2018
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Crédit photo : AFP

L'antibiothérapie prophylactique est-elle un outil pertinent contre les épidémies de méningite en Afrique subsaharienne ? Cela pourrait bien être le cas, à en croire les résultats obtenus par les épidémiologistes d'Épicentre (centre de recherche émanant de MSF) lors d'une épidémie survenue en 2016 au Niger. Ces données, publiées dans « PLOS Medicine » sont d'autant plus importantes que l'utilisation de la vaccination en réponse à une épidémie est difficile dans ces zones reculées, surtout depuis l’apparition de nouvelles souches en 2013.

La prophylaxie expérimentée par Épicentre se base sur la prise d'une dose unique de ciprofloxacine par tous les membres d'un foyer ou d'un village, 24 heures après qu'un cas suspect y ait été déclaré. Les chercheurs sont intervenus dans le district de Madarounfa, au Niger où 49 villages ont accepté de participer à l'expérimentation. Dix-sept villages ont bénéficié de mesures de prophylaxie à l'échelle d'une maison ou d'un foyer, 15 ont bénéficié de mesures de prophylaxie à l'échelle d'un village entier. Les 17 derniers villages constituaient le groupe témoin.

Au cours de l'épidémie, 248 cas ont été notifiés, l'incidence cumulative de la méningite était de 451/100 000 personnes dans le groupe des villages contrôles, 386/100 000 dans le groupe où la prophylaxie était appliquée à l'échelle d'un foyer, et 190/100 000 dans le groupe où la prophylaxie est appliquée à l'échelle d'un village complet.

60 % d'incidence en moins

Il n'y avait pas de différence significative entre le groupe témoin et le groupe de village où la prophylaxie a été faite un à l'échelle d'un foyer. En revanche, l'incidence observée dans les lieux où des villages entiers ont reçu une dose de ciprofloxacine était significativement réduite de 60 %, comparés à celle du groupe contrôle.

Les prélèvements fécaux ont révélé que 95 % des entérobactéries produisaient des béta-lactamases à spectre élargi et près de 90 % étaient résistantes à la ciprofloxacine avant leur intervention. Ces taux de résistances, déjà très élevés, n'ont pas été modifiés par la mise en place de mesures prophylactiques. « Le risque d'apparition de résistance des méningocoques est faible, ajoute le Dr Matthew Coldiron, épidémiologiste à Épicentre, il y a 10 ans, on a eu 2 petites épidémies en Inde et en Chine de méningocoque résistantes à la ciprofloxacine. » Il faut par ailleurs relativiser l'importance de telles résistances : « la ciprofloxacine n'est jamais utilisée pour traiter les malades », ajoute le Dr Coldiron.

La prophylaxie antibiotique n'est pas recommandée pour lutter contre les épidémies de méningites à méningocoques en Afrique subsaharienne. « Ces résultats montrent que l'utilisation prophylactique de ciprofloxacine est une réponse prometteuse dans un contexte épidémique », se réjouissent les auteurs, qui rappellent que « la vaccination reste la seule méthode de prévention recommandée lors d'une épidémie », mais cette dernière souffre de « ruptures d'approvisionnement » et des « difficultés logistiques ».

Faire face au changement de souches

Historiquement les épidémies de méningites à méningocoques étaient presque toutes liées au sérotype A, qui a pratiquement été éradiqués par un vaccin à dose unique, peu onéreux et thermostable. En 2013, un nouveau sérotype, le sérotype C s'est engouffré dans le vide laissé par les sérotypes A. « On a vu de nouveau des épidémies de plusieurs milliers de cas survenir au Niger et au Nigeria entre 2015 et 2017 », raconte le Dr Coldiron, « c'est pourquoi il nous faut trouver de nouveaux moyens de lutte contre les épidémies ».

« Notre expérience a eu lieu dans le contexte d'une épidémie relativement courte, en zone très rurale et en fin de saison. Rien ne prouve pour l'instant que la prophylaxie fonctionne dans d'autres conditions », précise en conclusion le Dr Coldiron.


Source : lequotidiendumedecin.fr