ARTS
PAR JEAN-JACQUES LEVEQUE
E N tout homme, un Narcisse sommeille. Le miroir est là pour combler ce désir complexe et ambigu de vouloir se mirer. Pour se mieux connaître, pour vérifier sur son visage les outrages du temps ? La réflexion est bien conduite par une succession d'expositions qui en abordent divers aspects.
Sous le regard historique avec l'exposition « Miroirs et reflets, de l'Antiquité à la Renaissance » au musée des Antiquités de Rouen . On peut faire remonter son usage aux premières civilisations (Mésopotamie, Egypte). Un choix fort attrayant de miroirs témoigne du degré de raffinement déjà atteint en cet objet, si directement associé aux soins du corps, à un idéal de beauté. Interdit aux hommes, le miroir est tout entier à la femme associé, qui fait de celle qui s'y regarde une nouvelle Vénus. A l'objet succède sa représentation, dans des mises en scène que ce soit sur les vases dans l'Antiquité, sur des tapisseries au Moyen Age. Celle dite « de la broderie » est une pièce d'une rare élégance, soulignant le mélange de fascination et de crainte que le miroir exerce sur une civilisation aussi fortement imprégnée de l'idée d'un Dieu entouré d'interdits.
Si le Moyen Age cultive l'amour courtois qui a une incidence sur l'usage du miroir, la Renaissance le célèbre, mais évoque aussi les risques de s'y trop attacher. D'où la présence du diable derrière celui dans lequel une femme se mire trop complaisamment.
Une intelligente scénographie trouve son point d'orgue dans l'invitation faite au visiteur de se regarder au miroir. Dans la section antique, il n'aura de lui qu'un reflet flou sur des disques de cuivre poli ; le Moyen Age lui offre les jeux étonnants du miroir parabolique, et le grand miroir de Venise clôt l'exposition, lui renvoyant l'image totale de lui-même.
La rencontre au sommet
« Le miroir du XVIIe au XXe siècle, regard et symbole » est le titre choisi pour l'exposition proposée par le Musée de Dieppe.
Liés à des progrès techniques alors considérables, le miroir et son usage évoluent grandement au XVIIe siècle. De simple miroir de poche, à main, il devient objet ornemental. Au-dessus des cheminées, il est surmonté d'un trumeau peint, c'est la rencontre au sommet du miroir et de la peinture. Il est fortement présent dans l'iconographie, largement associé aux scènes de toilette, à la nudité, dont il célèbre, au même titre que le visage, les charmes et les attraits.
Inscrit dans la mythologie, il marque, par sa présence dans le portrait, une dimension nouvelle, soulignant les séductions de la féminité et les rapports entretenus par la femme avec son apparence. Allant jusqu'aux limites du pouvoir de séduction qu'elle affiche, et aboutissant sur le monde des cocottes de haut vol, du genre de la Castiglione. C'est que le miroir est l'instrument de leur commerce, le symbole de leur pouvoir de séduction. L'originalité de l'exposition est de ne pas s'en tenir à cette version mondaine, mais de la confronter à un usage plus modeste, dans le monde rural (en Haute-Normandie), illustrant ainsi la diversité de ses fonctions et de ses modes de diffusion.
« Miroirs et reflets de l'Antiquité à la Renaissance », musée des Antiquités de Rouen, jusqu'au 26 février.
« Le miroir du XVIIe au XXe siècle, regard et symbole », Château-Musée de Dieppe, jusqu'au 19 février. Un très important catalogue est édité par Somogy.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature