A U niveau cérébral, la régulation de l'appétit fait appel à des neurotransmetteurs, tels que la dopamine, le GABA, la noradrénaline et la sérotonine, ainsi qu'à des peptides et des acides aminés. Depuis quelques années, on s'intéresse plus particulièrement à la dopamine qui agirait sur la faim par l'intermédiaire de circuits neuronaux cérébraux mésolimbiques.
Des essais thérapeutiques, qui ont fait appel à des médicaments capables de bloquer les récepteurs dopaminergiques D2, ont montré une augmentation des quantités de nourriture ingérée et, de ce fait, une majoration du poids. A l'inverse, les molécules qui augmentent la concentration de dopamine dans le cerveau ont, chez l'animal, un effet anorexigène. Mais on ne connaît pas encore de façon précise les mécanismes qui lient dopamine et obésité chez l'homme.
De 125 à 177 kilos
C'est pour cette raison que des chercheurs de New York ont mis en place une étude fondée sur un scanner par émission de positons (TEP ou PET-scan) du cerveau et, en particulier, de la zone du striatum, chez 10 patients obèses qu'ils ont comparés à 10 sujets contrôles appariés pour le sexe, l'âge, le niveau d'éducation et le niveau socio-économique. Cinq femmes et 5 hommes de 38,9 ans en moyenne et qui pesaient de 125 à 177 kilos (BMI compris entre 42 et 60) ont été choisis dans une population d'obèses, sans antécédents neurologiques, ni pathologies chroniques (diabète, hypertension ou alcoolisme) et ne recevant aucun traitement anorexigène depuis au moins six mois.
Ces patients et les dix sujets contrôles ont reçu une injection d'un traceur spécifique des récepteurs D2 à la dopamine (C11 raclopride), ainsi qu'une injection de 100 grammes de fluoro-D glucose qui permet d'apprécier la consommation de glucose selon les différentes zones du cerveau. « Nous n'avons retrouvé aucune différence en matière de consommation du glucose autant au niveau cérébral que dans la zone du striatum », explique le Dr Gene-Jack Wang, premier auteur. En revanche, le nombre des récepteurs dopaminergiques D2 s'est révélé statistiquement inférieur chez les dix sujets obèses que chez les contrôles. En cas de surpoids, la valeur de l'indice de masse corporelle (IMC) était inversement corrélée avec la mesure du nombre des récepteurs D2, les sujets ayant les valeurs de D2 les plus basses étant ceux dont l'IMC était le plus élevé.
Pour les auteurs, « ces résultats sont à rapprocher de ceux obtenus dans d'autres populations : alcooliques, addictifs à la cocaïne et aux opiacés. Il semblerait que, chez les obèses, la nourriture n'apporte pas uniquement les nutriments indispensables à la vie, mais induise aussi un sentiment de gratification et de plaisir qui, en raison du faible nombre de récepteurs D2, ne puisse être obtenu que par des apports massifs de nourriture ». Le Dr Wang reconnaît, néanmoins, que cette seule étude n'est pas suffisante pour déterminer de façon précise le lien entre récepteurs dopaminergiques et obésité, car il est impossible, au vu de ces seuls résultats, de déterminer si le nombre des récepteurs cérébraux représente la cause ou la conséquence de l'obésité.
Les résultats de cette étude pourraient rapidement trouver des applications cliniques par la mise au point de médicaments stimulant la fonction dopaminergiques. « On sait déjà que les psychostimulants (amphétamines, cocaïne et méthylphénidate) induisent une majoration des quantités de dopamine extracellulaire et cérébrale et possèdent une activité anorexigène par un blocage antagoniste des récepteurs à la dopamine. Mais, en raison de leur caractère addictif et de leurs effets psychoactifs, ces molécules ne doivent pas être utilisées en tant que telles chez les obèses », expliquent les investigateurs. Enfin, ils rappellent que des stratégies comportementales peuvent aussi être utilisées et, à ce titre, ils citent la pratique d'exercice physique qui, chez l'animal, induit une augmentation de l'excrétion générale et locale de dopamine et qui pourrait donc être utilisé à cette fin chez les obèses.
« The Lancet », vol. 357, pp. 354-357, 3 février 2001.
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