De notre correspondant
« I NJUSTICE criante, et risque accru pour les femmes de la région, notamment celles qui habitent dans les stations de montagne et qui vont devoir faire davantage de kilomètres », clame le comité de soutien de la maternité, qui n'hésite pas, comme le maire René Ramaglia, à penser que, « de toute façon l'hôpital est condamné ».
Ou alors nécessaire rationalisation pour une meilleure sécurité, ce qui implique certes « la fermeture de la maternité », mais aussi « la mise en place d'un plan de périnatalité pour la vallée et le renforcement des deux autres structures de soins publiques spécialisées, à Albertville et Bourg-Saint-Maurice », selon le Dr Monique Fournier, chargée du dossier à l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH), à Lyon.
Toujours est-il qu'à Moûtiers, la récente fermeture de la maternité continue de diviser la population. Jusqu'aux élus, évidemment. Y compris au sein du même parti.
Au Parti socialiste par exemple, nombreux sont ceux qui se disent hostiles à la fermeture, et mettent en avant le relatif isolement de la région et les difficultés de circulation, l'hiver, entre les stations et la vallée. Il suffit pourtant d'aller à la fédération départementale du PS, à Albertville, et de demander son sentiment au conseiller général socialiste François Rieux, pour comprendre que, pour lui, le dossier n'est pas si simple.
Et qu'il est en fait bien plus plus large : la difficulté essentielle de la vallée de Tarentaise, explique-t-il, ce que confirme d'ailleurs l'ARH, c'est le recrutement des médecins. Et singulièrement des anesthésistes . Actuellement, quatre postes dans cette discipline ne seraient pas pourvus au syndicat inter-hospitalier des hôpitaux de Moûtiers, Albertville et Bourg-Saint-Maurice. Or durant les mois d'hiver, et dans une moindre mesure l'été, la région passe, avec les vacanciers, de quelque cent mille à quatre cent mille habitants. La manifestation de Moûtiers s'est d'ailleurs déroulée à quelques encablures du chassé croisé des milliers de voitures de skieurs bloquées dans le plus beau bouchon de la saison. Le manque de médecins peut donc poser de gros problèmes en cas de forte migration hivernale ou estivale.
Mais Suzanne Botta, présidente du comité de soutien de la maternité de Moûtiers, n'en démord pas : sa petite ville se sent de longue date « ignorée, voire méprisée par le poids d'Albertville »: entre l'attachement de la population à une structure de soins publique, sentiment subjectif, et la nécessité, « d'améliorer l'offre de soins », « les pouvoirs publics ont choisi », dit-elle, et « cela ne passe pas ; nous ne pouvons l'accepter ».
Manque de concertation ?
Fermée il y a dix ans, puis rouverte en 1991 sur décision de Claude Evin lui-même, après force manifestations, la maternité de Moûtiers vivait comme en sursis, sans parvenir à dépasser la barre fatidique des trois cents accouchements annuels. Et pour cause : rien n'a été fait en faveur de cet établissement, accuse M. Gaymard député (RPR), d'Albertville, ancien secrétaire d'Etat à la Santé dans le gouvernement Juppé. Hervé Gaymard, travaille sur le dossier depuis deux ans. L'ancien ministre dénonce le « manque de concertation et le mépris des autorités nationales, des ministères concernés, pour les élus de la nation » : si l'on n'améliore pas l'offre de soins de proximité, cela revient, à terme, à condamner l'établissement tout entier, craint-il aussi. Certes, la décision de fermeture au 31 janvier imposée par l'ARH a eu le mérite de mettre fin à des années d'incertitude. Mais le directeur de l'ARH n'est venu à Moûtiers qu'au début de l'an dernier, longtemps après que le schéma régional d'organisation sanitaire (SROS) eut été bouclé et publié. Les femmes de la région, ont naturellement choisi de « voter avec leurs pieds » : plus de la moitié d'entre elles, selon les études de la DDASS, ont choisi depuis plusieurs années d'aller accoucher ailleurs, à l'hôpital d'Albertville, à une demi-heure de voiture par la voie rapide. « Mais comment vont faire désormais les femmes de Pralognan ou Val-Thorens, l'hiver, sur les routes mauvaises et encombrées qui les séparent d'Albertville ? », dénonce l'ancien secrétaire d'Etat, qui a vainement, interpellé Dominique Gillot à l'Assemblée nationale. Convaincu que le dossier doit être réétudié, que le tribunal administratif de Grenoble, saisi depuis août 2000, lui donnera raison, et que Bernard Kouchner lui-même ne peut qu'être sensible à ses arguments, le député d'Albertville « rêve d'un système de soins qui ne soit régi ni par les comptables, ni par les démagogues ». Il voudrait aussi que « les populations locales soient mieux impliquées par les pouvoirs publics dans ce type de dossiers ». Du coup, au comité de soutien, on se surprend à penser, contre toute apparence, que, peut-être, le sort de la maternité n'est peut-être pas définitivement scellé.
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