O N sait que la mucoviscidose est une maladie à transmission récessive qui résulte de l'accumulation d'un mucus épais qui obstrue les poumons et altère le flux d'enzymes digestives dans le pancréas et l'intestin.
Cette maladie est provoquée par une mutation dans le gène CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane conductance Regulator) qui a été cloné il y a plus de douze ans.
Initialement, on a montré que, dans la maladie, la conductance de l'ion chlore (Cl-) était altérée dans la sueur. Par la suite, cette anomalie a été généralisée à toutes les cellules.
Puis, le clonage du gène a montré que la protéine CFTR fonctionne comme un canal chlore régulé par l'AMP cyclique et que quelques mutations inhibent l'activité de ce canal chlore.
Mais les choses n'étaient pas si simples : on a découvert par la suite que certaines mutations du gène s'accompagnent d'une activité normale du canal chlore. Ce qui indiquait que d'autres processus que l'anomalie du canal chlore contribuent à la maladie. De fait, il est apparu que le gène CFTR régule d'autres systèmes de transport, notamment celui de l'ion bicarbonate (HCO3-) couplé à l'ion chlore. Et cette découverte « collait » avec la constatation suivante : alors que les cellules saines sécrètent des liquides alcalins, les tissus mutants sécrètent des fluides acides. (On sait que l'ion bicarbonate et le pH modifient la viscosité de la mucine et sa liaison avec les bactéries). Et d'ailleurs, des études chez des patients ont montré que la sécrétion de l'ion bicarbonate est rarement détectable dans les sécrétions pancréatiques.
Insuffisance pancréatique
Dans ce contexte, une équipe composée de chercheurs américains et coréens (Joo Young Choi et coll.) a étudié la fonction du CFTR mutant en transfectant des cellules rénales d'embryons humains avec les gènes codant 17 mutants CFTR connus. Résultat : par rapport aux cellules témoins (ayant le CFTR sauvage sain), les mutants associés à une insuffisance pancréatique avaient un transport du bicarbonate abaissé à 14 %, alors que les mutants associés à une fonction pancréatique normale avaient un transport du bicarbonate supérieur à 30 %.
Une diminution de transport de bicarbonate signifie des sécrétions acides, qui pourraient entraîner la précipitation de mucine avec formation de bouchons, et favoriser l'infection bactérienne. Dans le cas particulier du pancréas, un pH acide pourrait conduire à une activation prématurée des enzymes digestives, une destruction du pancréas et une insuffisance pancréatique. Cette sécrétion anormale de bicarbonate pourrait affecter également l'environnement pulmonaire nécessaire à la lutte contre les agents pathogènes.
La voie de nouvelles options thérapeutiques
« Nos résultats, estiment les auteurs, suggèrent que la seule correction du transport de l'ion chlore n'est pas à même d'améliorer les symptômes de la mucoviscidose. La stimulation du transport du bicarbonate par les cellules épithéliales ou l'augmentation de la concentration de bicarbonate à la surface apicale des tissus atteints pourrait représenter un moyen additionnel pour réduire les effets débilitants de la mucoviscidose. »
Une fois n'est pas coutume : l'éditorial, signé Paul Quinton (La Jolla, Californie), n'est pas publié dans « Nature » mais dans « Nature Medicine » « Les chercheurs sur la mucoviscidose, estime Quinton, vont rencontrer beaucoup d'obstacles avant de trouver un traitement curatif pour cette épouvantable maladie. (...) Ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles investigations qui pourront améliorer notre compréhension de la pathogenèse de la mucoviscidose et, en fin de compte, conduire à de meilleures approches thérapeutiques. »
« Nature » du 1er mars 2001, pp. 94-97 (étude) et « Nature Medicine », mars 2001, vol. 7, n° 3, pp. 292-293 (éditorial).
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