DE NOTRE CORRESPONDANT
TOUT A COMMENCÉ à Nantes par une soirée d’information organisée en septembre 2005. Parmi les 80 patients suivis au centre de ressources et de compétences pour la mucoviscidose (Crcm), 73 sont invités à y venir. Vingt-trois seulement font le déplacement. Et les parents présents sont pour le moins réticents à l’idée que leur enfant suive les séances collectives d’éducation thérapeutique. Ces familles craignent le risque d’intercontamination et sont marquées par le principe de séparation des patients atteints par la mucoviscidose.
«Nous avons dû prendre le temps de bien expliquer ce que nous voulions mettre en place, souligne le Dr Valérie David, pneumopédiatre et responsable du Crcm. Et surtout les rassurer sur le respect des mesures d’hygiène.»
La première session de l’école de la mucoviscidose a finalement pu se tenir en janvier dernier, avec un groupe de cinq enfants de 10 ans et leurs parents. Et, actuellement, un deuxième groupe, comprenant cette fois des enfants de 6 ans, est en train de conclure le cycle des trois séances étalées sur un mois et demi.
Il faut dire que l’engagement du Dr Valérie David dans le champ de l’éducation thérapeutique est un argument en soi. Elle anime le groupe de travail adhoc créé par l’association Vaincre la mucoviscidose avec Sophie Ravilly, directrice médicale de l’association, en liaison avec la fédération nationale des Crcm. Valérie David coordonne également depuis neuf ans des sessions de l’école de l’asthme, toujours au CHU.
Précautions d’hygiène.
C’est dire la motivation de ce médecin qui ne voyait pas pourquoi une maladie qui est devenue chronique avec une médiane de vie de quarante ans ne pourrait pas bénéficier des principes de l’éducation thérapeutique pour que le quotidien de ses patients soit amélioré.
Son expérience a donc été utile pour rassurer les familles. Pas question de minimiser un risque bien réel, mais il peut être circonscrit. «D’abord, nous proposons de participer aux séances collectives seulement à ceux qui n’ont pas de microbes ou qui ont des microbes sans risque d’intercontamination, explique la spécialiste. Ensuite, huit jours avant la séance, nous effectuons un examen bactériologique de leurs sécrétions pour nous assurer qu’il y a toujours absencede problème. Et les mesures d’hygiène prises au cours des séances sont multiples: port d’un masque, solution de décontamination pour chacun, périmètre de sécurité individuel dans lequel ils peuvent enlever leur masque. Les enfants, qui sont accompagnés d’animateurs –éducateur de jeunes enfants, infirmière, diététicienne, psychologue... –, comprennent bien ces précautions.»
Les enseignements tirés des premières séances confortent la responsable du Crcm nantais dans la direction prise. En sachant que l’équipe n’en est qu’aux prémices du projet et que les premières familles qui ont accepté d’y prendre part sont bien entendu les plus motivées.
«On avance plus vite avec un groupe de cinq enfants accueilli trois fois en un mois et demi qu’avec ces cinq enfants reçus individuellement tous les deux ou trois mois, poursuit Valérie David. Nous avons constaté notamment qu’un des enfants présente un bien meilleur état de santé au niveau digestif. Il a pris 3kg et n’a plus mal au ventre. Il ne prenait pas bien son traitement. Nous parlons là d’enfants que je suis depuis sept ans et pour lesquels nous découvrons encore de nouvelles choses après des années de consultation individuelle.»
En parallèle, les résultats aux questionnaires de connaissance ont fortement progressé. Surtout, «leur comportement a changé», note la pneumopédiatre. Les parents ne sont pas en reste. Contrairement à l’expérience danoise dont s’est inspirée l’équipe nantaise et qui date déjà d’une dizaine d’années, les parents sont invités à participer à l’école de la mucoviscidose. Pour éviter «le risque de décalage entre enfants et parents dans la dynamique de progression», les parents sont pris en charge en même temps que leur progéniture, mais dans une salle différente. «Cela nous a permis de repartir de sujets basiques, comme repérer les signes d’alerte d’un encombrement respiratoire. C’est pourtant un événement qu’ils vivent au quotidien! Nous avons également constaté que les relations avec le kiné ne sont pas assez régulières. Ce travail est une occasion de réguler une autogestion trop ou pas assez poussée.»
La prochaine session de l’école de la mucoviscidose de Nantes devrait concerner des lycéens, un public plus compliqué, en raison des bactéries à cet âge plus agressives pour certains et de leur tendance à être dans le déni.
Les grandes étapes de l’éducation thérapeutique
Préalable au travail de groupe, un diagnostic éducatif est posé après un entretien avec le patient et sa famille. Ensuite, le même exercice est à nouveau proposé, mais cette fois en groupe, grâce à des techniques d’animation comme le brainstorming. La deuxième séance collective sert à définir l’objectif d’apprentissage autour de sujets très pratiques pour les patients (problèmes respiratoires et digestifs, surtout). La troisième et dernière séance a pour objet l’évaluation des acquisitions.
Si certains outils utilisés durant ces séances ont été transposés de la pratique sur l’asthme et le diabète, d’autres ont dû être conçus par l’équipe nantaise. Ainsi, un « outil génétique » a été imaginé pour illustrer la transmission génétique de la mucoviscidose. Ou encore un tablier proposant en relief une visite de l’appareil digestif.
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