Nomenclature : sept mille cent actes techniques ont été définis et hiérarchisés

Publié le 22/03/2001
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E NTAME il y a cinq ans, le chantier de la révision de la nomenclature des actes techniques des médecins est achevé. Tout au moins pour sa partie technique. 7 100 actes différents ont été répertoriés, clairement libellés et hiérarchisés en fonction de leur degré de complexité et de pénibilité. Une révolution pour les spécialistes libéraux puisque ce travail servira de base à la redéfinition, dans le courant de cette année, de la totalité des tarifs de leurs actes.

La révision de la nomenclature relevait d'une double nécessité. D'une part, celle d'aboutir à une seule liste d'actes médicaux alors qu'il en existe deux aujourd'hui, l'une pour le secteur libéral (la nomenclature générale des actes professionnels), l'autre pour le secteur public (le catalogue des actes médicaux). D'autre part, celle de dépoussiérer une nomenclature qui, pour les médecins libéraux, date de 1972 et est devenue obsolète, de l'avis de tous les experts. Elle comprend de nombreuses lacunes puisque n'y figurent pas un certain nombre d'actes récents comme les actes sous cœlioscopie et thoracoscopie, la chirurgie de l'obésité ou encore les traitements contre la douleur. Mais elle est également insuffisamment précise dans la description de certains actes ; ce qui provoque de multiples conflits tarifaires entre les professionnels et les caisses d'assurance-maladie.

Une classification par appareils

Les experts issus pour la plupart des sociétés savantes se sont mis au travail, sous la houlette de la Caisse nationale d'assurance-maladie, en liaison avec les services de l'Etat, pour élaborer une liste unique et exhaustive de l'ensemble des actes techniques, qu'ils soient pris en charge ou non par la Sécurité sociale. Baptisée Classification commune des actes médicaux (CCAM), cette nouvelle liste comprend 7 1OO libellés, classés en dix-sept chapitres, non plus par spécialité comme auparavant, mais par grand appareil (système nerveux, œil, oreille, système cardiaque et vasculaire...) et décrivant le plus précisément possible la nature de l'acte. Ce grand nettoyage a permis au passage d'en supprimer un certain nombre considérés comme caducs.
La partie la plus délicate de cet énorme travail a consisté à hiérarchiser les actes afin de parvenir à une échelle de valeurs qui serve de fondement à la nouvelle tarification. « Notre objectif était de parvenir à une nomenclature objective et neutre, c'est-à-dire dépourvue d'incitation à des dépenses non maîtrisées », explique Annie Aliès-Patin, du pôle nomenclature de la CNAM.
Pour cela, les experts ont évalué dans un premier temps la valeur du travail médical des actes selon leur degré de complexité et de pénibilité et leur ont affecté un coefficient afin de les classer. C'est ce classement qui vient d'être publié par la CNAM (1). Il propose pour la première fois une échelle unique de la valeur du travail médical qui va du plus petit, la séance d'irrigation sur gingivale d'agents antibactériens (5 points/travail) au remplacement de l'aorte du thorax sous CEC par thoracophréno-laparotomie (3 990 points/travail). Il restera ensuite aux partenaires chargés d'en négocier les nouveaux tarifs de fixer la valeur du point en y réaffectant les charges professionnelles liées à la production de cet acte.

La hiérarchie des tarifs des actes remise en cause

C'est ce classement, qui repose sur une méthodologie originale (voir encadré) et acceptée par l'ensemble des sociétés savantes, qui devrait donc conduire à une remise en cause de la hiérarchie tarifaire actuelle des actes. Elle conduira probablement à baisser sensiblement la valeur de certains d'entre eux, considérés comme des rentes de situations et, à l'inverse, à revaloriser des actes plus innovants ou plus pénibles. Par exemple, les difficultés liées aux actes d'anesthésie selon le type d'opération seront mieux cernées et donc rémunérées plus justement. A l'inverse, certaines techniques qui ont apporté un énorme progrès pour le patient mais sont devenues des actes de routine et ne sont pas très complexes, comme la lithotritie, devraient avoir une valeur diminuée. « C'est un outil scientifique valable qui contribue à faire la transparence sur notre activité. Il faut maintenant que les pouvoirs publics l'utilisent intelligemment. Cela ne doit pas être un instrument de maîtrise des dépenses », commente le Pr François Richard, président de l'Association française d'urologie qui a participé à ces travaux.
Néanmoins, les syndicats de médecins libéraux sont inquiets car ils devront négocier les nouveaux tarifs et redoutent des pertes de revenus importantes pour certains spécialistes. Le président de la Confédération des syndicats médicaux français, le Dr Claude Maffioli, a déjà fait savoir qu'il ne négocierait pas cette réforme à enveloppe budgétaire constante.

Quel cadre de négociations ?

L'autre difficulté est que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité n'a toujours pas fixé le cadre des négociations. Doivent-elles avoir lieu entre les syndicats et la CNAM ? Au sein de la commission de la nomenclature ? Ou dans le cadre d'une nouvelle structure ?
Le Pr Jean Escat, chargé de réfléchir aux modalités de passage d'une nomenclature à l'autre, a formulé des propositions dans un rapport rendu au mois de juillet. Mais le gouvernement tarde d'autant plus à prendre une décision que les négociations s'annoncent particulièrement délicates dans une période où il s'efforce justement de renouer le dialogue avec la profession. Or, il est prévu que la nouvelle nomenclature entre en application le 1er janvier 2002.

(1) Ce classement sera disponible dans une quinzaine de jours sur le site Internet de la CNAM : www.cnamts.fr

Hiérarchie des actes : quatre critères retenus

Quatre critères ont été retenus pour évaluer la valeur relative de l'acte médical lui-même : la durée, le stress, la compétence technique et l'effort mental.
A partir de ces critères, une vingtaine d'experts par spécialité ont été chargés de hiérarchiser les actes de chacune des spécialités. Pour cela, ils sont partis d'un acte bien identifié auquel on a, par postulat, affecté la valeur 100. A partir de là, les experts ont fixé un score pour chaque acte selon qu'il était plus ou moins complexe et pénible par rapport à l'acte de référence. Par exemple, si on considère que l'échographie pelvienne vaut 100, les experts ont pu estimer qu'une échographie mammaire, plus compliquée, vaut 40 % de plus, soit un score de 140.
Il a fallu ensuite trouver des correspondances de valeur entre des actes de spécialités différentes pour aboutir in fine à une échelle de valeur unique pour toutes les spécialités.
L'avantage de cette méthodologie est qu'elle donne une base solide et scientifiquement non contestable pour intégrer rapidement les actes nouveaux dans l'échelle des valeurs. La tarification peut facilement être déterminée en fonction de critères objectifs et non plus des pressions qui pouvaient s'exercer ici ou là. Cette souplesse permettra de revoir la nomenclature ponctuellement, quasiment chaque année.
La CNAM envisage également de procéder à une refonte plus complète de la nomenclature, environ tous les sept ans, « afin qu'elle ne perde pas sa cohérence dans le temps ».

Céline ROUDEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6883