L' OBSTRUCTION chronique de la voie biliaire principale (VBP) peut provoquer une fibrose hépatique et une cirrhose biliaire secondaire, rappellent les auteurs. « La fibrose hépatique est habituellement considérée comme un processus irréversible, même quand la cause sous-jacente est traitée ou supprimée. Toutefois, la fibrose peut être améliorée - par exemple - chez les patients ayant une cirrhose biliaire primitive traitée par ursodiol ou méthotrexate. Une régression de la fibrose hépatique a été observée après traitement par interféron alpha chez les patients ayant une hépatite chronique C. »
Par ailleurs, des études chez le rat suggèrent que la fibrose hépatique due à une obstruction chronique de la VBP peut régresser une fois que l'obstruction est corrigée. Enfin, en 1963, chez un enfant ayant une cirrhose liée à l'atrésie de la VBP, on a observé une régénération hépatique après by-pass chirurgical.
La sténose de la VBP est une complication fréquente de la pancréatite chronique (8 à 30 % des cas). Elle peut être traitée par drainage biliaire chirurgical ou endoscopique. Mais comment évolue la fibrose hépatique après drainage ? Pour répondre à la question, l'équipe de Beaujon a conduit une étude chez 11 hommes d'un âge moyen de 38 ans, qui avaient une pancréatite chronique calcifiante (liée à l'alcool dans 10 cas, idiopathique dans 1 cas) avec sténose chronique sévère (10 avaient un ictère) de la VBP, et qui ont eu une biopsie avant et après intervention chirurgicale de décompression (cholédocoduodénostomie : 5 cas ; cholédocojéjunostomie : 2 cas ; hépaticojéjunostomie : 3 cas ; pancréaticoduodénectomie : 1 cas).
Régression du grade histologique
Deux des 11 patients ont eu une resténose ; pour 8 des 9 autres, on disposait des données sur la consommation d'alcool avant la première biopsie ; tous étaient devenus abstinents pendant en moyenne 4 mois avant la première biopsie ; trois d'entre eux l'étaient encore avant la seconde biopsie.
L'intervalle moyen entre les deux biopsies a été de 2,5 ans. Les deux patients qui ont eu une resténose ont été exclus de l'analyse. Parmi les 9 autres, la fibrose s'est améliorée de deux grades chez deux patients et d'un grade chez 4 ; chez 3, le grade n'a pas changé.
« Notre étude montre la réversibilité de la fibrose biliaire secondaire après traitement chirurgical d'une obstruction chronique de la voie biliaire principale », concluent les auteurs.
Cette étude est saluée par un éditorial intitulé : « La fibrose hépatique est-elle réversible ? » et signé par trois Américains : ces résultats « sont importants parce que l'histoire naturelle des modifications histologiques après décompression biliaire n'ont pas été bien étudiés chez l'homme ».
Irréversible ou réversible ?
« Une fois établie, rappellent les éditorialistes, la fibrose était généralement considérée comme irréversible. Cette notion a été établie il y a plus d'un siècle, quand le diagnostic de cirrhose était fait cliniquement sur la base de signes de maladie hépatique terminale, comme l'ascite, la fonte musculaire, les varices hémorragiques, l'ictère et l'encéphalopathie. Ces manifestations signent toujours un mauvais pronostic en l'absence de transplantation hépatique et sont toujours utilisées pour classer la sévérité d'une maladie hépatique chez les patients en attente de greffe. »
Mais, ajoutent-ils, « le point à partir duquel une cirrhose ou une fibrose extensive deviennent irréversibles n'a pas encore été bien défini ».
Or, actuellement, la cirrhose est souvent diagnostiquée à un stade précoce par la biopsie percutanée, chez des patients bien souvent asymptomatiques.
Les descriptions de réversibilité de la fibrose hépatique chez l'homme ont en commun l'élimination de la cause ou l'introduction d'un traitement efficace. Les exemples : abstinence alcoolique, suppression d'un by-pass jéjuno-iléal, immunosuppression dans les hépatites auto-immunes, saignées dans l'hémochromatose, lamivudine dans l'hépatite B, interféron dans les hépatites C et D et association ursodiol et méthotrexate pour la cirrhose biliaire primitive.
Quand les fonctions hépatiques sont bien préservées
Un faisceau d'arguments cliniques et scientifiques, poursuivent les éditorialistes, « suggère que la fibrose extensive ou la cirrhose chez des patients aux fonctions hépatiques bien préservées ne devraient plus être considérées comme intraitables ».
Enfin, ils rappellent qu'un traitement prolongé par interféron alpha peut améliorer la fibrose dans l'hépatite C chronique, même en l'absence de réponse virologique. Le travail français « devrait susciter des efforts pour développer de nouveaux traitements chez les patients qui ont une fibrose hépatique extensive ou une cirrhose », concluent les éditorialistes.
Pascal Hammel, Anne Couvelard , Dermot O'Toole, Anne Ratouis, Alain Sauvanet, Jean-François Fléjou, Claude Degott, Jacques Belghiti, Pierre Bernades, Dominique Valla, Philippe Ruszniewski et Philippe Lévy. « New England Journal of Medicine » du 8 février 2001, pp. 418-423 et 452-454.
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