A mesure que l'on s'approche des municipales, le tableau des forces en présence ne change guère. Il semble même que la droite, loin de profiter du phénomène d'usure qui affecte généralement la formation au pouvoir, va perdre un certain nombre de grandes villes, peut-être Paris, peut-être Lyon, peut-être Toulouse.
C'est à Paris que l'irrésistible ascension de Bertrand Delanoë mérite le plus d'attention. Le candidat de la gauche, qui, pendant sa carrière, s'est consacré à la capitale, ne ferait sûrement pas un mauvais maire. Sans doute manque-t-il de charisme, comme le font remarquer quelques observateurs cruels. Mais s'il gère bien Paris, pourquoi pas lui ?
Il demeure que, face à Philippe Séguin, on ne lui donnait guère de chances il y a encore six mois. Quand il a accepté de conduire la campagne pour la droite, l'ancien député et ancien ministre n'ignorait pas les difficultés qui l'attendaient, à commencer par la fronde du maire sortant, Jean Tiberi, désavoué par ses amis gaullistes, mais indestructible à la fois sur le plan judiciaire et sur le plan politique.
Non seulement le maire actuel de Paris a pu surmonter, jusqu'à présent, ses démêlés avec la justice, mais il s'est allié au RPF et arrive à la consultation électorale avec une formation, certes minoritaire, mais qui prive le RPR de beaucoup de voix. Chargée de déblayer la route de M. Séguin en écartant M. Tiberi, Michèle Alliot-Marie, présidente du mouvement gaulliste, n'a pas réussi à débarrasser la droite de l'encombrant rebelle. Un échec entraînant fatalement la mauvaise humeur, elle exprime son désaccord avec la stratégie vertueuse mais risquée de Philippe Séguin, qui a décidé de ne pas être tête de liste et a contraint Jacques Toubon à n'occuper qu'une deuxième place, parce qu'il est mis en examen dans une affaire tout à fait mineure qui n'engage nullement son honneur. Des broutilles, en quelque sorte.
Intransigeant sur les principes, M. Séguin est en tout point admirable, sauf qu'il risque de livrer Paris à la gauche et d'apporter par défaut une consécration à M. Delanoë. Alors que, comme chacun sait, il existe une majorité de droite dans la capitale, celle qui explique que le RPR ait dominé Paris pendant vingt-cinq ans. Ce qui se passe, c'est que l'électorat traditionnel est atomisé. Il y a les Parisiens qui ne comprennent pas que ses amis politiques aient réservé à M. Tiberi un sort funeste et injuste. Il y a ceux qui ont rejoint la formation de M. Pasqua. Et ceux qui sont ébranlés, pour ne pas dire écurés, par les soupçons qui pèsent sur la gestion de la ville par ses élus sortants et n'ont pas envie de voter pour eux aujourd'hui.
Bien entendu, M. Séguin a voulu montrer aux électeurs qu'il ne mange pas de ce pain-là et qu'il apporte, lui, des garanties d'honnêteté et d'indépendance. Honnête et indépendant, il l'est, lui qui n'a pas craint de heurter de front Mme Alliot-Marie et oublie prudemment de se réclamer de l'ancien maire de Paris et actuel président de la République. Il n'empêche que la conquête de Paris par la gauche et d'autres défaites de la droite en province seraient interprétées comme la preuve de la longévité politique des partis au pouvoir, socialistes, Verts et communistes, et risquent de sonner le glas des espoirs de la droite pour les législatives de 2002.
A ce jour, on peut dire que la droite n'a pas encore commencé son aggiornamento, pas plus qu'elle ne donne aux Français le sentiment qu'elle constitue une force de proposition ou de gouvernement. A un an de deux échéances électorales essentielles et quatre ans après la victoire de la gauche plurielle aux élections législatives de 1997, Lionel Jospin sera amené à croire que, s'il ne l'emporte pas par ses propres mérites, il est tout à fait en mesure de gagner grâce à l'absence d'opposition.
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